2 nov. 2017 | Vidéos, Rencontres, Débats de Souverains, 2016 à 2020

David Goudreault

"Tu exprimes ta liberté d’artiste ou ton art de la liberté ?"

David Goudreault

Écrivain, poète, slameur!

2 Novembre 2017

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Rencontre complète!


Je quitte ma cellule
Je traverse les couloirs
Je salue mes amis
Je leur dis " à plus tard "

Je n' quitte pas Bordeaux
du moins pas encore
je m'évade dans les mots
et la musique des noires

Ma vie est un roman
Ma vie est une chanson
Qui en est l'auteur
c'est toute la question

Des questions que je me pose
en vers et en proses
Je te salue Lynda
Et je te plaide notre cause

David Goudreault
Bienvenue parmi les
Souverains anonymes

1- Bonjour David, je m’appelle Caspy. Ça fait longtemps que Mohamed voulait t’inviter à notre émission. C’est fait. Bienvenue chez-nous. David, tu es poète, slameur, rappeur, chroniqueur, romancier et aussi travailleur social. Dans ces multiples occupations ton outil premier de travail c’est la langue. Nous avons pris connaissance de tes écrits, tes slams, tes rappes, Ce sont tes chroniques à Radio Canada qui m’ont le plus impressionné, surtout cette chronique ou tu dénonces les abus sexuels de certains hommes de pouvoir.

D’ailleurs, si tu permets, je profite de l’occasion pour dire à tous ceux qui veulent l’entendre que nous aussi, les Souverains anonymes, nous dénonçons le pouvoir qui abuse de son pouvoir. Et comme tu le dis très bien dans ta dernière chronique, nous dénonçons les hommes qui « prennent l’objet de leurs désirs pour objets ». Les femmes ne sont pas des objets, mes soeurs ne sont pas des objets, ma mère n’est pas un objet. J’espère que cette fois la justice sera moins clémente envers les abuseurs sexuels. La foule peut dénoncer, elle peut s’indigner. C’est son droit d’être en colère, mais c’est à la justice de rendre justice aux victimes. C’est à la justice d’être juste. Personne d’autre!

C’était mon éditorial. Revenons à toi David. J’ai commencé à lire ton roman « La bête et sa cage », mais j’ai arrêté à la troisième page. Pas parce que c’est mauvais, pas parce que tu écris mal, au contraire.. Tu écris bien, même très bien.. Le problème c’est que tu m'as plongé dans un univers carcéral que moi j’essaie de toutes mes forces de fuir. Je fais tout pour m’évader d’ici et toi tu m’apprends dans les premières pages de ton roman que la première chose qui arrive à ton personnage principal après son arrivée en prison, il se fait enculer!!!! Moi la première chose que j’ai fais en arrivant ici, j’ai écris une chanson.. Je suis un artiste. La prison ne m’a pas empêché de continuer d’être artiste. Avant de me trouver en dedans, je cherchais la liberté dans l’art. Depuis que je suis en dedans, j’ai pris conscience que la liberté est un art en soi. En prison, j’ai fais de ma liberté un projet, un avenir, une chanson, un slam..

De la liberté de l’art

À l’art de la liberté

Un pas que je franchis

En toute sérénité

Toi ma conscience

Toi ma souffrance

Je t’ai enfin entendu

Je t’ai même écouté

(Suite en anglais… rap)

Et toi David, quand tu écris, quand tu rappes, quand tu slames ou quand tu chroniques, tu exprimes ta liberté d’artiste ou ton art de la liberté ?

2- Bonjour David, je m’appelle Ronald. Il y a quelques jours tu as célébré ta neuvième année d’abstinence. Depuis 9 an, tu n’as pas pris une goûte, même pas une pfff.. Tu vis un jour à la fois. Bravo! Moi je suis plus que jamais décidé de suivre aussi la voie de l’abstinence. Cette fois plus que jamais. L’abstinence est la seule voie de l’alcoolique pour retrouver son âme et c’est documenté ! Avant ma sortie dans quelques semaines, je sais d’avance que la vraie prison est celle qui m’attend dehors. C’est prouvé et documenté. La prison des habitudes, la prisons des apparences, la prison de l’argent, la prison des responsabilités, des devoirs à accomplir, des factures à payer.. C’est parce que ma vie est très dur dehors que je me trouve en dedans. Je ne dis plus que c’est la dernière fois que je remets les pieds en dedans, je l’ai dis trop souvent. Je dis plutôt « C’est la dernière fois dehors ». La dernière fois que je me sens obligé de sortir pour paraître. La dernière fois que je dépense sans compter. La dernière fois que je vis au dessus de mes moyens. La dernière fois que je m’occupe trop des autres et pas assez de moi. Il est temps que je m’occupe de moi. Pour cela, il ne suffit pas d’arrêter de boire et de consommer, il faut arrêter de déconner. C’est documenté. Il faut bien grandir un jour. Je suis très heureux de prendre cet engagement devant un homme qui est à sa neuvième année d’abstinence. Dis-moi David, où as-tu trouvé la force pour vivre un jour à la fois ?

3- Bonjour David, je m’appelle Sami. J’ai écouté ta chanson « La faute au silence » dans laquelle tu dis cette phrase grave « Ce n’est pas parce qu’on se fait fourré qu’on est obligé de jouir ». En peu de mot, tu as tout dis. J’aime le rap quand il dessine le réel, quand il brise le silence. Quand il parle en mon nom. Qu’il soit français ou américain ou arabe, j’aime le rap qui ébranle les consciences.

En parlant de conscience,

la mienne passe de play à pause.

En dedans, je me repose..

Dehors, je vis, j’ose..

Parfois j’ose trop de choses

Je force la dose

Je rêve de ciel bleu et de Pénélope Cruz

Je rêve de très belles choses

La voix du juge me réveille

Aujourd’hui, on me surveille

C’est la faute à mon silence

Le silence de ma conscience.

Aujourd’hui, j’apprends à l’écouter

Elle a des choses à me conter

Sur ma vie et mon avenir

Elle envisage autant le meilleur que le pire

À moi de choisir, à moi d’apprendre

Si je ne veux plus me faire prendre

À moi de briser le silence

J’éveille ma conscience!

Mon cher David, je veux bien faire ma part pour briser le silence, mais le silence des uns continue à nourrir le silence des autres ! Les salopards continuent à lancer leurs missiles. Les marchands d’armes sèment les divisions et les guerres. Le petit peuple se fait fourrer et regarde TVA avec jouissance ! Dis-moi David, est-ce que tu regardes TVA ?

4- Bonjour David, je m’appelle Brandon. Plus le jour de ma sortie approche plus mon sourire grandit. Après avoir passé 4 années derrière ces murs, j’ai grandis. Le plus grand jour de ma vie approche, je me vois déjà respirer l’air de la liberté, je me vois manger une pupusa au fromage. Je me vois reprendre ma vie en main. Je me vois auprès de ma mère, de ma femme, de ma famille.. Je me vois commencer de nouveaux projets.. Je me vois revivre de nouveau. Le plus grand jour de ma vie approche. Mais en regardant plus loin à l’horizon, je vois un autre jour encore plus grand, plus beau.. C’est le jour quand je saurais au fond de moi qu’une autre vie est derrière moi. Toi quand tu as décidé d’arrêter de boire, tu n’as pas fêté ton abstinence après 9 jours, tu n’as pas crié VICTOIRE à tout le monde après 9 jours.. Aujourd’hui, après 9 ans d’abstinence, tu peux te permettre de te féliciter.. Moi aussi, c’est mon but.. Je veux un jour me féliciter en me disant « ça fait 10 ans, ça fait 20 ans, ça fait 50 ans, que je n’ai pas remis les pieds en dedans ». Toi, c’est l’amour des mots qui t’a donné la force de tenir le coup.. Moi, c’est l’amour de la famille qui me garde debout.. As-tu une famille David ?

5- Bonjour David, je m’appelle Vladimir..

Entre le temps passé dehors et le temps passé en dedans,

Je ne sais plus quel temps est le plus court.

Que je sois dehors ou que je sois en dedans,

Le temps me paraît de plus en plus lourd.

Ma prison est au fond de moi,

La liberté n’est pas une marque de Yougourt.

Un jour, il y aura plus de prison

Plus de cours

Plus de juges

Plus d’aveugles

Plus de sourds

Un jour, le temps s’arrêtera !

Ce jour-là, les hommes vivront d’amour!

Merci !

6- Bonjour David, je m’appelle Jean-Pierre. Tu slames, je slames.

Je quitte ma cellule

Je traverse les couloirs

Je salue mes amis

Je leur dis « À plus tard »

Je n’quitte pas Bordeaux

Du moins, pas encore

Je m’évade dans les mots

Et la musique des noirs.

Ma vie est un roman

Ma vie est une chanson

Qui en est l’auteur

C’est toute la question

Des questions que je me pose

En verres et en proses

Je te salue David

Et je plaide ta cause.

Ta cause c’est la langue de Molière

Tu l’abordes à ta manière

Comme on aborde une femme fière.

Dans toutes ses formes,

Tous ses aspects,

Tu lui fais l’amour en tout respect.

Mais avant de la prendre sans détour,

tu lui tournes autour.

Tu la séduis, tu la cajoles,

Tu lui fais dire des choses folles.

Tu la chantes, tu la rappes, tu la slames,

Tout en douceur, tu la piques

Même dans tes chroniques.

Dans un livre ou devant un micro,

Sur une scène ou dans une Camaro,

Tu fais l’amour à la langue de Molière,

Comme on aborde une femme fière.

Dans toutes ses formes,

Tous ses aspects,

Tu lui fais l’amour en tout respect.

Mon cher David, je t’invite à aimer devant nous la langue de Molière.

À toi de jouer et à nous de t’applaudir.

7- Une dernière petite question avant de se quitter. Puisque tu es un homme de mots, puisque tu as déjà travaillé au service des victimes d’actes criminels, s’il y avait un mot à adresser à la justice pour qu’elle fasse mieux son travail pour les victimes d’abus sexuels, ça serait lequel ?

8- Bonjour David, je m’appelle c’est encore Caspy. Comme mot de la fin, j’ai choisi de te lire un texte que Mohamed a trouvé à la station du bus 69 juste à la sortie de Bordeaux sur le Boulevard Gouin. C’est donc un Souverain qui venait d’être libéré, avant de prendre le bus pour la liberté, il a tenu a écrire ce texte sur un carton:

« J’ai froid, terriblement froid. Je suis aveuglé et manipulé comme un vulgaire ballon. Enfin on me couvre et me réchauffe. Je reconnais cette voix. C’est ma mère, celle qui m’a nourrit, protégé et parlé durant les neufs derniers mois.. Elle est là à ma sortie. Voilà, je suis venu au monde ».

Merci David Gaudreault d’être venu au monde des Souverains. Au nom de tous mes camarades, je te déclare David Gaudreault, Souverain anonyme.

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