9 oct. 2008 | Vidéos, Audios, Rencontres, Débats de Souverains, 2006 à 2010

Diaspora

"Qui sait, un jour le Premier Ministre du Québec sera un de mes petits fils ou une de mes petites filles" SA

Diaspora

Groupe Hip hop (Féminin)

9 Octobre 2008

Extrait musical

Je quitte ma cellule
Je traverse les couloirs
Je salue mes amis
Je leur dis " à plus tard "

Je n'quitte pas Bordeaux
ce n’est pas un drame
je m’évade dans les mots
et les yeux de deux femmes

Ma vie est un roman
Ma vie est une chanson
Qui en est l'auteur
c'est toute la question

Des questions que je me pose
en vers et en proses
Je vous salue belles et braves femmes
Et je vous plaide notre cause

Sarahmée et Yasmina

Bienvenue parmi les
Souverains anonymes

1- Bonjour Sarahmée et Yasmina, je m’appelle Rollo. Bienvenue parmi les Souverains, nous sommes très heureux de vous recevoir à notre émission. Sarahmée et Yasmina vous êtes deux jeunes africaines, toi Sarahmée du Sénégal et toi Yasmina de la Côte d’ivoire. En fait, il y’a seulement quelques années que vous êtes venus pour faire vos études à l’université, mais si j’ai bien compris, la musique vous a attiré très vite et vous avez beaucoup d’ambitions et beaucoup de projets. Votre domaine musical c’est le hip hop. Comme vous savez ce n’est pas un domaine facile à franchir, surtout pour les femmes. Mais je vous souhaite quand-même bonne chance, d’ailleurs, notre invitation c’est notre façon de vous encourager dans votre passion. Votre groupe s’appelle Diaspora, alors nous avons préparés cette rencontre sur le thème de la diaspora. Comme vous voyez, nous les Souverains, nous représentons plusieurs diasporas, haïtienne, jamaïcaine, marocaine, libanaise, guénienne et même québécoise. En fait, nous sommes groupés dans une seule diaspora et c’est la diaspora des Souverains anonymes. Avant de vous déclarer officiellement comme faisant partie de notre diaspora, nous allons vous présenter quelques témoignages, mais d’abord une question : Qui êtes-vous Sarahmée et Yasmina et comment le destin vous a réuni au Québec..?

3- Bonjour Sarahmée et Yasmina, je m’appelle Ben, au sujet de la diaspora je vais vous raconter une petite anecdote. Trois jours après mon arrivée au Québec en 1983, une fille québécoise m’avait demandé depuis quand je vivais au Québec, j’ai répondu ‘’Depuis trois jours’’. Elle ne voulait pas me croire. J’ai dû lui montrer la date de mon arrivée sur mon passeport pour qu’elle me croie. Par cette anecdote, je voulais vous dire à quel point quand j’étais chez-moi au Maroc, j’étais déjà ailleurs. Un citoyen du monde. Je savais que je pouvais me sentir à l’aise dans n’importe quel pays occidental. Parce que l’occident était déjà chez-nous au Maroc. J’ai vécu dans un quartier français et j’ai eu accès à une culture occidentale. C’est ce qui explique pourquoi je me sentais à l’aise trois jours après mon arrivée au Québec. Que ce soit à New York, en Allemagne ou dans plusieurs pays européens que j’ai visité, je me suis toujours senti à l’aise. À mon arrivée au Québec, je ne voulais pas trop fréquenter les gens de ma diaspora, j’étais plutôt assoiffé de découvrir une autre culture dont je connaissais bien la langue, mais pas la mentalité. Pour moi la diaspora, ça fait partie de la réalité de l’immigration, mais il faut faire attention à certains pièges de la diaspora. Je ne veux pas d’une diaspora qui me renferme dans un ghetto culturel. Je rêve d’une diaspora qui ouvre ses portes aux autres. Une diaspora ouverte sur le monde. Mes enfants sont fiers de leurs origines marocaines et arméniennes. Je rêve pour eux de voyager comme moi pour aller à la rencontre d’autres cultures, d’autres musiques, d’autres appartenances. Mais le monde est déjà à leur portée. Dans leur quartier et leur école, ils ont accès à la richesse du monde, à la beauté du monde, dans toutes ses couleurs, dans toute sa splendeur. Quand ils sont avec leurs amis, on leur demande pas depuis quand ils vivent au Québec. Ici, ils sont chez-eux. Ils sont des québécois Halal..!! Dîtes-moi Sarahmée et Yasmina, ici au Québec, sentez-vous chez-vous..?

3- Sarahmée et Yasmina, c’est encore moi Rollo. Puisqu’on parle de diaspora, j’ai remarqué que certains médias ont un drôle de rapport avec certains membres de la diaspora. Par exemple, quand un noir gagne une médaille olympique, il est présenté comme un canadien ou un québécois. Si jamais un noir est arrêté pour un délit, il est présenté comme un membre d’une communauté culturelle. Ça explique pourquoi certains jeunes québécois issus de l’immigration ont de la misère à se sentir québécois. Personnellement, j’ai réglé ce problème quand ma mère m’a amené de force en Haïti pour y vivre durant 4 ans. C’est là bas que j’ai pris conscience de mon appartenance québécoise et canadienne. Aujourd’hui, je n’ai plus besoin du regard de l’autre pour savoir qui je suis. C’est en assumant mon appartenance québécoise et canadienne que je réussis à corriger le regard de l’autre sur moi. Je pense au regard de cette femme qui n’en revenait pas de découvrir que l’homme charmant, gentil et aimable que j’étais avec elle au téléphone, en réalité c’était un noir. Avec moi, cette femme a appris que son racisme était fondé sur l’ignorance et la peur. En apprenant à me connaître, elle a cessé d’avoir peur de la différence. Elle a surtout cessé de croire certains médias qui font du profilage racial. Aujourd’hui, cette dame sait que je suis un québécois comme les autres, elle sait que cela n’enlève rien à ma fierté d’être d’origine haïtienne. Sarahmée et Yasmina, votre histoire est différente de la mienne puisque vous n’avez pas grandi au Québec, mais pensez-vous qu’un jour l’appartenance québécoise fera partie de votre identité..?

4- Bonjour Sarahmée et Yasmina, je m’appelle Richard, si je devais donner à la diaspora un sens poétique qui correspond à ma réalité, ce n’est pas de ma culture ou de mon peuple que je vous parlerais, mais de mon fils. Depuis que les murs de cette prison nous séparent, c’est lui qui est devenu ma diaspora. Loin de lui, je me sens en exil, j’ai hâte de retourner à mon fils comme un exilé à hâte de retrouver sa terre natale: Mon fils.

5- Bonjour Sarahmée et Yasmina, je m’appelle Nadim, À mon arrivée du Liban, il y a plusieurs années, je n’avais comme amis que des libanais, des arméniens. Mon cercle d’amis était fermé à plusieurs d’autres cultures. Je ne savais pas que ma fermeture à certaines cultures était le symptôme d’un grand mal qui me rongeait beaucoup de l’intérieur. Ça m’a pris des années avant de prendre conscience que je n’avais pas fait le deuil de ma séparation de mon pays d’origine.. Tout ça pour dire que le fait de rester enfermé dans ma diaspora libanaise chrétienne m’a fait beaucoup de tort.. Aujourd’hui, Dieu MERCI, je me sens riche de toutes les diasporas que je croise, notamment ici à Bordeaux et particulièrement à Souverains anonymes. Merci.

6- Bonjour Sarahmée et Yasmina, je m’appelle Amadou, les filles aiment m’appeler Ti-Guidou. Mais en réalité Amadou veut dire Ahmed, c’est le nom du prophète Mohammed. Je ne suis pas un prophète, je ne suis pas un ange. Mais je me soigne. Mon nom est Camara, un nom africain très connu. C’est un nom espagnol aussi. Mais, je ne suis pas espagnole. Je ne suis pas parfait. Mais je me soigne. Je suis un africain qui porte un nom espagnole et je suis né à Trois-Rivières. Je suis donc québécois, mais je ne suis pas parfait. Je suis de père Sénégalais, de mère guénienne, je suis né à Trois-Rivières mais j’ai grandi à Montréal. Et je rêve de voyager au Japon en portant avec moi toutes ces cultures qui font ma richesse et ma force.. Alors, je ne pose pas la question, de quelle diaspora suis-je..? Je suis de toutes les diasporas. Et aujourd’hui, ma diaspora, c’est la diaspora des Souverains anonymes honorés par la présence de deux princesses africaines.

7- Bonjour Sarahmée et Yasmina, je m’appelle Mohamed Comme vous, moi aussi je viens de loin. Je viens d’un pays voisins aux vôtres. La Guénée. Avec vous c’est toute l’Afrique qui nous fait l’honneur d’être avec nous. L’Afrique dans toute sa beauté. Nous avons écouté vos chansons, Matricule a attiré particulièrement mon attention. Dans cette chanson, il est question de prison, de cage et de cadenas aux pieds. Il est question d’un monde où ça va mal. Il est aussi question du faux qui gagne sur le vrai et d’apparences trompeuses. Comme vous savez, l’univers du show bisness auquel vous aspirez c’est une sorte de diaspora faîtes d’illusions, de faux et d’apparences trompeuses. Pensez-vous réussir en show bisness tout en restant authentiques, sans tomber dans le piège du faux et des apparences trompeuses..?

8- Bonjour Sarahmée et Yasmina, je m’appelle SAM, moi en Haïti on m’appelle le Québécois. Au Québec, on m’appelle le haïtien. Sur terre, on m’appelle le martien et sur Mars on m’appelle le terrien. Ça veut dire que je suis condamné à l’exil, partout où je suis. Mais franchement, s’il fallait se fier à la perception des autres, je ne serais nulle part chez-moi. Or, chez-moi, c’est là où je vis. Et moi je vis à Montréal, je suis né à Montréal. J’appartiens au 514. Je suis un montréalais pure laine et je suis fier de l’être. Je suis un montréalais à la recherche d’une montréalaise, peu importe ses origines, du moment qu’elle se sente profondément montréalaise. Alors Sarahmée et Yasmina, puisque vous vivez à Montréal depuis quelques années, sentez-vous un peu, beaucoup ou passionnément montréalaises..?

9- Bonjour Sarahmée et Yasmina, je m’appelle Anthony. En parlant de Diaspora, je pense à ma mère qui fait partie de la diaspora jamaïcaine. Et je me rappelle que ma mère a voulu me donner une éducation selon certaines valeurs jamaïcaines en oubliant que c’est au Québec que je vis, avec des amis québécois, avec des copines québécoises dans une école québécoise. Je suis fier de mes origines jamaïcaines, fier d’appartenir à la culture rastafarian et je m’ennuie de la cuisine de ma mère. Mais, je ne peux pas oublier que je vis loin de la Jamaïque. Que la terre du Québec est aussi ma terre. Que mes enfants et mes petits enfants, c’est ici qu’ils feront leur vie.. Donc, au lieu de d’opposer ma culture jamaïcaine à ma culture québécoise, je préfère en faire un beau mélange. Une richesse.. Qui sait, un jour le Premier Ministre du Québec sera un de mes petits fils ou une de mes petites filles. Un homme ou une femme d’origine jamaïcaine, ou africaine. La Gouverneure Générale du Canada est d’origine haïtienne, donc tout est possible dans ce pays. Vous ne croyez pas..?

10- Bonjour Sarahmée et Yasmina, je m’appelle Emmanuel, depuis le temps que je me fais prendre pour un arabe, un sud américain ou un africain, je suis devenu un peu caméléon. Le seul endroit où on m’a pris pour un québécois c’était en France à cause de l’accent. Parce qu’effectivement, je suis né au Québec, à Montréal. Je suis donc un québécois, mais je tiens à ajouter d’origine haïtienne. Parce que mes racines font partie de mon identité. Ça me donne une assurance. Comme ont dit, il faut savoir d’où on vient pour mieux savoir où on va. En sortant de Bordeaux, une des bonnes choses que je vais faire, je vais aller voir votre spectacle. Je pense que c’est mieux d’aller vous voir chanter sur scène que d’aller dans certains coins de la ville qui risque de me ramener à Bordeaux.. Et vous chères demoiselles, vous êtes partie de l’Afrique, vous êtres rendues en Amérique. Êtes-vous ici pour rester ou dois-je aller en Afrique pour vous entendre chanter..?

11- Bonjour Sarahmée et Yasmina, je m’appelle Antoine. Moi je suis né au États-unis. Quand j’étais petit, mes parents me disaient que j’étais américain. Ils voulaient me protéger d’un certain racisme envers la diaspora haïtienne. Mais aussi parce que être américain pour eux c’était un signe de fierté. Quand je suis venu au Québec, j’ai remarqué que mes amis haïtiens n’assumaient pas leur appartenance québécoise même s’ils sont nés au Québec. Finalement, ce qui pose problème à une identité, c’est lorsqu’elle manque de fierté. Les américains sont fiers d’être américains, les haïtiens sont fiers d’êtres haïtiens, les africains sont fiers d’êtres africains, mais les québécois quand ils sont fiers d’être québécois, ils sont de la misère à joindre les gestes à la parole. Comment peuvent-ils se sentier fiers d’être québécois tout en faisant élire des gens à Ottawa qui vont les écraser, qui vont leur dire ‘’Vous êtes une nation, mais dans un Canada uni’’. Je ne sais pas si je suis fier d’être québécois, mais je suis sûrement fier d’être montréalais.. Merci.

12- Bonjour Sarahmée et Yasmina, je m’appelle Sébastien, j’aime venir au Souverains anonymes pour m’imprégner d’un bain multiculturel. Aujourd’hui, par votre présence, chère Sarahmée et Yasmina, vous apportez une couleur nouvelle à notre tableau. Vox voix et vos paroles ainsi que votre ambition de réussir m’inspire la force d’une jeunesse ouverte sur le monde. Dans mes rêves, je me vois chez-vous en Afrique, au Sénégal, aux Côtes d’Ivoire.. mais aujourd’hui mon rêve prend l’allure d’un projet que je souhaite réaliser à ma sortie de Bordeaux, alors SVP souhaitez-moi Bon voyage.

13- Bonjour Sarahmée et Yasmina, je m’appelle Saad, j’ai 28 ans, je suis arrivé au Québec à 15 ans. Pendant 13 ans, j’ai vécu une partie importante de ma vie au Québec, je me suis adapté au climat, à la mentalité et à la culture québécoise. Maintenant que je suis devenu en quelque sorte un québécois, un canadien, les autorités canadiennes envisagent bientôt de me retourner dans mon pays d’origine, le Maroc. C’est vrai que j’ai fais des erreurs. Des erreurs que j’assume totalement et j’assume ma punition en prison, mais je trouve que la déportation c’est une punition disproportionnée. Le crime que j’ai commis est moins grave que celui de me déporter chez-moi. J’aime le Maroc, c’est mon pays natal. Mais en m’empêchant de vivre au Québec, on me prive de la possibilité de m’enrichir de toutes ces cultures qui font aujourd’hui la force de mon identité. Je pense à ma copine jamaïcaine que je ne verrai plus, à tous ces quartiers de Montréal qui me permettaient de voyager d’une culture à l’autre, d’une diaspora à l’autre sans prendre l’avion. J’espère que mon expérience servira de leçon à ceux qui ont oublié de faire leur nationalité canadienne. Je pense surtout à certains parents immigrants qui, par négligence, font beaucoup de tort à leurs enfants. Sarahmée et Yasmina, quand vous aurez atteint le succès international, vous viendrez faire un tour au Maroc, c’est avec plaisir que j’irai voir votre spectacle dans le grand stade de Casablanca et je suis sûr que parmi des milliers de spectateurs, vous me reconnaitrez. MERCI.

14- Bonjour Sarahmée et Yasmina, je m’appelle Taille, demain je vais quitter cette prison et dans quelques jours, je vais quitter le Canada pour retourner chez-moi en Afrique, en Guénée. Je vais laisser derrière moi une fille de 5 ans qui porte le même nom que toi, Sara. C’est elle ma diaspora, c’est elle ma lumière, ma princesse. Mais les autorités canadiennes ont décidé de m’éloigner de ma fille. De me déporter à mon pays d’origine. J’aurais aimé que le sort me réserve autre chose, mais c’est mon destin et je l’assume. Mon pays a besoin de moi et je vais tout faire pour mettre mon expérience canadienne au service de mon pays. Je n’oublierai jamais mes amis Souverains et vous Sarahmée et Yasmina. MERCI d’être mon cadeau de départ. Votre visite passage parmi nous aujourd’hui me portera chance. Que Dieu vous protège.

15- Sarahmée et Yasmina, moi je rêve d’une diaspora universelle, une diaspora spirituelle où chaque homme, chaque femme se sent chez l’autre comme chez-lui. Plus de frontières, plus de barrières pour empêcher les hommes et les femmes de circuler et de réaliser une humanité meilleure. J’aimerais souhaiter à notre ami et notre frère Taille bon retour chez-lui en Guinée. Que la vie lui soit bonne. Sarahmée et Yasmina, vous êtes deux artistes, deux poètes, deux rappeuses, mais vous êtes surtout deux filles en or. Vous êtes passionnées, vous n’avez pas peur de foncer dans un univers masculin. Je vous souhaite le bonheur, le succès et la santé. Surtout la santé. Que votre diaspora soit fière de vous. Au nom de tous mes camarades, Sarahmée et Yasmina, je vous déclare Souveraines anonymes.

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