« Rien dans les mains, rien dans les poches mais un journal dans la tête »
Journal communautaire.
1 Octobre 1998
Journal communautaire
1 Octobre 1998
Claude
Ancien itinérant
Ancien détenu
Mais toujours Souverain.
Jeudi 1 octobre 1998
Je quitte ma cellule
Je traverse les couloirs
Je salue mes amis
Je leur dis « à plus tard »
Je n’ quitte pas Bordeaux
du moins pas encore
je m’évade dans les mots
et la musique des noirs
Ma vie est un roman
Ma vie est une chanson
Qui en est l’auteur
c’est toute la question
Des questions que je me pose
en vers et en proses
Je te salue l’ITINÉRANT
Et je plaide ta cause
Normand Lalande, René Charest et Claude Brûlé
Bienvenue parmi les
Souverains anonymes
01- Bonjour chers invités et bienvenue parmi les Souverains de Bordeaux. Notre émission aujourd’hui est consacrée à l’itinérance. Il existe à Montréal différentes ressources d’aide pour les personnes itinérantes. Normand Lalande, René Charest, Serge Boulet et Claude Brûlé, vous représentez des organismes communautaires d’aide aux itinérants. Voulez-vous SVP nous faire une brève présentation sur vous et sur les organismes pour lesquels vous travaillez..?!?
02- « Donner une voix à des sans voix » c’est un peu l’objectif du Journal l’Itinéraire. Est-ce que la voix des itinérants commence à être entendu grâce au journal..? Si oui, comment se traduit la réaction des citoyens à la parole des sans-abri..?!?
03- Toi Claude, tu es à la fois un ex-Souverain anonyme, un ex-détenu, un ex-itinérant et un journaliste de l’Itinéraire.
Premièrement, je veux savoir quel lien tu fais entre ton expérience à Souverains anonymes et ton expérience à l’Itinéraire..?
Deuxièmement comment tu définis ton lien d’appartenance à ce journal..?
04- L’objectif ultime du journal l’Itinéraire est de réinsérer des personnes itinérantes dans le marché du travail. Je sais que pour chaque exemplaire vendu à 2$, 1$ revient au vendeur. A part ce travail, quel genre d’emploi les itinérants peuvent trouver grâce au journal..?!?
05- L’objet du journal l’Itinéraire c’est la pauvreté à Montréal. Mais le prix du journal coûte 2$, le public du journal ce n’est pas les pauvres. Est-ce que je me trompe..?
06- Normand Lalande, tu es rédacteur en chef du Journal l’Itinéraire. Comme tu sais le journal de Montréal ne vit que de mensonge. L’Itinéraire n’a pas besoin de mentir pour vivre.
Quelle vérité voulez-vous vendre à vos lecteurs..?!?
07- Parmi les personnes incarcérées à la prison de Bordeaux, beaucoup sont des personnes itinérantes. Bordeaux est un lieu d’escale où on vient se donner de nouvelles énergies. À Bordeaux, on est bien logé, bien nourrit et bien gardé. Quel lien faites-vous entre les personnes incarcérées et les personnes itinérantes..?
08- Comme la prostitution, l’itinérance fait partie de la société. Ça va toujours exister.
Mais, j’ai l’impression que les itinérants d’aujourd’hui sont plus jeunes par rapport à ceux d’il y a 20 ans.. Si c’est vrai, cela veut dire que l’espoir en un avenir meilleur que représentent les jeunes, n’est pas très rose.. Est-ce que je me trompe..?!?
9- Moi dans mes proches j’ai connu un itinérant que j’ai essayé d’aider de mon mieux sans résultat. La seule chose que sa famille pouvait faire pour lui c’est de le laisser vivre sa vie. J’ai vu sa mère lui acheter de la colle pour le voir plus vivable et plus supportable. Vous qui fréquenter les itinérants tout les jours, croyez-vous qu’il y en a pour qui il n y a rien à faire..?
10- L’itinérance n’est pas un nouveau phénomène. Avant c’était les religieux qui intervenait pour aider les sans-abri. Aujourd’hui, les curés sont remplacés par des intervenants sociaux et des travailleurs de rue. Comment cohabitent les différents intervenants, religieux, sociaux et psychologues autour de l’itinérance..?
11- La misère des uns fait le bonheur des autres. Je sais que les maisons de thérapies pour des toxicomanes poussent comme des champignons. À votre avis, le malheur des itinérants fait le bonheur de qui..?
12- L’itinérance n’est pas qu’un signe de pauvreté d’une société. Parmi les itinérants il y a des enfants de familles pas très pauvres. Particulièrement de la banlieue. Est-ce que je me trompe..?
13- Moi comme citoyen, je me sens généralement malaise devant un itinérant qui me tend la main. Même si je lui donne un 25 cent, je ne règle pas son problème. La solution à l’itinérance devrait être plus globale et plus politique. Je veux bien faire sourire un sans-abri en lui donnant 25 cent, mais ça ne lui donne pas un toit et une vie descente.. Quand est-ce que les itinérants vont manifester devant l’assemblée nationale sans attendre qu’un autre refuge passe au feu..?!?
14- Il n’y a pas longtemps une rencontre internationale sur les journaux de la rue s’est tenu à Montréal. Croyez-vous qu’un jour apparaîtra un journal international de rue qui fait état de la pauvreté dans les grandes métropoles..?!?
15- « Rien dans les mains, rien dans les poches mais un journal dans la tête » Cette phrase est la devise de votre journal L’Itinéraire. Je suis sûr que ce journal comble les coeurs de ceux et celles qui le proposent aux passants. Grâce à ce journal beaucoup d’itinérants ne tendent plus leurs mains pour demander 25 cent mais pour offrir un peu d’eux-mêmes en échange de dignité. Et vous travailleurs de rues qui accompagnez les itinérants, vous êtes les étoiles de ceux et celles qui se cherchent une lumière au bout du tunnel. Merci pour ce que vous êtes. Que la vie vous soit bonne. Au nom de tous mes camarades, je vous déclare Souverains anonymes.