« Me faire pèlerin, c’est prendre conscience que je suis en route. En route vers ailleurs. En route vers un autre moi-même..! »
Auteure-compositeure-interprète
20 Mars 2008
Auteure-compositeure-interprète
20 Mars 2008
Je quitte ma cellule
Je traverse les couloirs
Je salue mes amis
Je leur dis " à plus tard "
Je n' quitte pas Bordeaux
ce n'est pas un drame
je m'évade dans les mots
et les yeux d'une femme
Ma vie est un roman
Ma vie est une chanson
Qui en est l'auteur
c'est toute la question
Des questions que je me pose
en vers et en proses
Je te salue femme de musique
Et je te plaide notre cause
Milla
Bienvenue parmi les
Souverains anonymes
1- Bonjour Milla je m’appelle Hinzo. Mes amis Souverains et moi nous avons hâte de te rencontrer. Merci d’avoir accepté l’invitation. Tu es accompagnée de ton guitariste Ferland Mathieu que nous saluons et je souligne la présence parmi nous de ta gérante Griselde. D’autres Souverains de Bordeaux te regardent à travers la caméra et te disent bienvenue. Milla, tu es aujourd’hui auteure compositeure interprète. D’après ta biographie, tu as fais un long détour, à travers toutes sortes d’expériences, avant de revenir ta passion d’écrire et de chanter. Tu n’as pas sorti encore ton premier album, mais tu as déjà gagné plusieurs prix. Nous avons écouté attentivement tes chansons et surtout nous avons bien lu les paroles. Je peux te dire déjà que tu as su nous toucher droit au cœur. Chacun de nous s’est retrouvé dans certains titres, certaines phrases. Nous avons longuement parlé et discuté pour préparer cette rencontre avec toi. Avant de te livrer nos témoignages et nos questions, j’aimerais que tu nous parle de toi simplement, qui es-tu, d’où viens-tu et où vas-tu..?
2- Bonjour Milla je m’appelle Gabriel, tu chantes, je chante aussi, tu écris, j’écris aussi, tu es née en Amérique du nord, je suis né en Amérique du sud, tu chantes en français, je chante en espagnole, en français et en anglais. Bientôt tu sortiras ton premier album. Bientôt, je vais lancer le mien. Toi et moi, nous sommes deux artistes et nous nous croisons en prison. Toi tu sortiras dans deux heures, moi dans quelques mois. Tu vas continuer à créer des chansons, moi aussi. Toi dans ta chambre, moi dans ma cellule. Et comme tu dis dans ta chanson Mens-moi ‘’Deux vies à part, Parmi des milliards, Au carrefour des hasards..’’. Le hasard a voulu notre rencontre aujourd’hui, qui sait ce que le hasard nous réserve.. Ta chanson 30 novembre n’est pas le fruit du hasard. Il s’est passé quelque chose un certain 30 novembre. Je ne veux pas savoir c’est quoi, mais après le 30 novembre que s'est-il passé le 1 décembre..?!?!
3- Bonjour Milla je m’appelle Carl, apparemment il t’est arrivé quelque chose de marquant un certain 30 novembre au point de faire une chanson que tu as appelé 30 novembre. Moi c’est un 21 novembre qu’il m’est arrivé quelque chose de particulièrement troublant. J’en ai pas fais encore une chanson, mais peut-être si je te raconte l’histoire, c’est toi qui va le faire. Ce jour-là du 21 novembre 2007, j’ai été arrêté, accusé et j’allais comparaître devant le juge. Ce n’était pas la première fois que je me faisais arrêter mais cette fois, je ne comprenais vraiment pas pourquoi la police s’acharnait sur moi. Finalement, il s’agissait d’un autre Carl que moi qui portait le même nom de famille que moi. Imagine le suspens, les sueurs froides et la police qui n’ont même pas présenté des excuses. J’étais quand-même content de rentrer chez-moi et retrouver mes enfants. Une histoire qui fini bien comme d’ailleurs ta chanson 30 novembre qui termine sur cette phrase : ‘’Au matin j’ai trouvé la vie dans la rosée’’. Dans cette chanson, tu puises dans les souvenirs du passé pour t’aider à mieux vivre le présent. Moi je puise dans les souvenirs avec mes enfants pour mieux supporter le présent.. Mais en relisant les paroles de ta chanson 30 novembre, j’ai cru comprendre qu’un matin tu t’es réveillée seule dans ton lis. Est-ce pour fuir cette solitude que tu t’es réfugié dans le passé...?
4- Bonjour Milla je m’appelle Richard, après avoir écouté ta chanson ‘’Mens-moi’’, je me suis dit ‘’peut-être que je ne comprendrais jamais les femmes’’. Ta chanson raconte l’histoire d’une femme déprimée qui implore un homme de lui mentir afin qu’elle se sente de nouveau belle et désirable. Je me suis déjà trouvé dans ce genre de situation ou une femme me demandait de lui faire à croire. Ce que je ne comprends pas chez certaines femmes, elles aiment le mensonge quand ce sont elles qui le désirent. Tu le dis toi-même quand tu chantes ’’Mens-moi envers et contre toi, Mais tes yeux ne me mentent pas’’. Alors Milla regarde-moi dans les yeux et dis-moi : Que veulent-elles les femmes entendre des hommes, la vérité ou le mensonge..?
5- Bonjour Milla je m’appelle Hokner, après avoir écouté ta chanson ‘’Ton amour dort’’, j’ai tout de suite pensé que c’est ma haine qui dort. Elle dort profondément et c’est mieux ainsi. Une haine que tu ne peux pas imaginer tellement elle est immense. Mais ma haine dort juste à côté de mon amour. L’un à côté de l’autre. Dans le même lit. Inséparables. J’ai peur que si mon amour se réveille, ma haine se réveillera aussi. Ma question est simple, est-ce qu’on peut réveiller son amour sans réveiller sa haine..?
6- Bonjour Milla je m’appelle Daoud, somalien, canadien, québécois, montréalais et aujourd’hui devant toi Milla, je suis Souverain. Je me retrouve dans presque toutes tes chansons. Mais celle qui raconte pas mal ce que je suis devenu c’est ta chanson ‘’Le moment’’ que tu introduis avec ces mots : ‘’Je ne reculerai pas, Voilà le moment, Je ne reculerai pas, J’irai droit devant, Je ne reculerai pas , Voilà le moment’’. Il y’a eu plusieurs moments dans ma vie ou j’au su avancer droit devant. Partant de ma Somalie natale en Egypte puis en France où j’ai vécu 3 ans, avant de partir pour les États-Unis en passant par l’Italie avant d’aboutir au Canada. Je n’avais pas encore 18 ans. Mais il y’a eu un moment ou j’aurais dû peut-être reculer. Ça s’est passé à l’aéroport JFK, quand un homme de la douane m’a dit ‘’qu’est-ce que vous avez les somaliens à partir tous pour le Canada’’. Parfois je me dis que j’aurais dû écouter la voix de cet homme. Tous mes amis qui sont restés aux États-unis sont aujourd’hui bien. Ce que j’ai fais de bien au Canada, c’est une fille. Elle a aujourd’hui 12 ans. Finalement, je ne suis pas venu pour rien. De toute façon, le moment le plus important de ma vie est encore à venir. Comme tu le dis si bien dans ta chanson, c’est le moment de tourner la page vers des jours meilleurs. Qui sait encore ce que je vais vivre...? En passant, je ne mens aux femmes que lorsqu’elles me le demandent. À toi Chère Milla de choisir le bon moment et le bon endroit.. Mais dis-moi, quel est le meilleur moment pour mentir à une femme..?
7- Bonjour Milla je m’appelle Juss, ta chanson 30 novembre m’a fait penser à une autre date qui a troublé ma vie. C’était un mois de mars, un 6 mars plus précisément. Tout d’un coup, suite à un accident de travail, j’ai commencé à voir et entendre des sons qui n’existent pas. Je n’avais pris aucune substance. Ça sortait tout droit de ma tête. 7 ans plus tard, je peux dire que j’ai appris à vivre avec cette maladie que les médecins appellent skyzophrénie. J’ai appris à transposer mes hallucinations en chansons. Parfois ça donne des belles chansons. Parfois des choses comiques. Par exemple : (skyzophrène / Quoi ?).
Question : Quand je lis les paroles de ta chanson 30 novembre, ça ressemble à un rêve. Un voyage dans le passé. Je vois des images de voiliers, j’entends la rivière, est-ce que j’hallucine ou je rêve..? La schizophrénie se définit comme une perte de contact avec la réalité. Dis-moi Milla, est-ce qu’il t’arrive parfois de prouver le besoin de perdre contact avec la réalité, pour écrire une belle chanson ?
8- Bonjour Milla je m’appelle Patrick, c’est la première fois que je mets les pieds en prison. Quand Mohamed m’a demandé si c’est la dernière fois que je vienne en dedans, j’ai répondu que je suis en train de tourner la page. Je n’avais pas encore lu le texte de ta chanson ‘’Le moment’’ qui termine sur cette phrase ‘’Je tourne la page, vers des jours meilleurs’’. Le 22 avril c’est ma date de sortie, un moment déterminant pour moi, pas seulement parce que je serai libéré de la prison de Bordeaux, mais surtout de ma prison intérieur. Être à la prison de Bordeaux, ça ne peut pas être pire que la prison intérieur dans laquelle j’ai passé presque toute ma vie. Pour sortir de cette prison intérieure, j’ai appris à m’ouvrir sur les autres, à les écouter et surtout les entendre. À accepter la critique quand je sens qu’elle est fondée. Si je regarde tout ce que j’ai aujourd’hui, je n’ai pas le temps de me plaindre pour tout ce que je n’ai pas. J’ai une blonde qui m’apporte de la lumière. Elle a un enfant que je considère comme la prunelle de mes yeux. Avant de connaître ma blonde et son enfant, j’avais un cœur de roche, aujourd’hui, une fleur s’épanouit dans mon cœur. Avant la date de ma libération, le 22 avril, je me sens déjà plus libre parce qu’en dedans de moi ça va beaucoup mieux. Il faut dire qu’à Bordeaux, j’ai pris le temps de réfléchir et d’écrire. C’est dans l’écriture et la poésie que j’ai trouvé la paix et une certaine estime de soi. J’ai envie de te lire un texte que j’ai écris spécialement pour ton passage parmi nous. (…………….) Question : Milla, laquelle de tes chansons a été plus qu’une chanson mais une véritable délivrance..?
9- Bonjour Milla je m’appelle Hinzo. J’ai envie de réagir à ta chanson ‘’Ton amour dort’’. D’abord merci de l’avoir écrit. Les paroles de cette chanson sont venues me chercher profondément. Surtout quand tu dis ‘‘Il serait peut-être temps de vivre ta vie et dormir tes nuits’’. Des nuits blanches, j’en ai vécues. J’ai passé à côté des nuits qui auraient pu me porter conseil. Par exemple, quand je reprochais à certains de mes frères d’aller souvent en prison, j’oubliais que ça pouvait m’arriver aussi. Maintenant que ça m’arrive pour la première fois de ma vie, il y’a des moments ou j’ai envie d’enrager, mais je réussis à prendre le contrôle sur moi. C’est peut-être ça que je vais retenir de mon passage en prison. Avoir plus de contrôle sur sa vie. C’est sûrement de cette façon que je vais réussir à vivre ma vie. Je suis le père de trois enfants dont deux jumelles que je n’ai pas vu depuis 3 ans. Tou dernièrement un ami m’a donné de leurs nouvelles. Il m’a dit que je manque énormément à mes filles. Quand il m’a dit ça, un amour immense s’est réveillé en moi. Je crois avoir été un père aimant, affectueux et attentionné pour mes deux jumelles. Tu as raison Milla de dire que l’amour dort, mais l’amour se réveille aussi. Dormir, ça ne veut pas dire mourir. L’amour dort, mais tant que le cœur est vivant, l’amour peut toujours se réveiller. Parfois ça ne prend pas grand-chose pour réveiller un amour, une chanson peut suffire. Finalement Milla, n’est-ce pas pour ça que tu chantes. Pour réveiller les amours qui dort..?
10- Bonjour Milla je m’appelle Marco, j’ai compris en lisant ta biographie que ton rêve de chanter est devenu un choix de vie. Un choix que tu aurais pu faire plus jeune mais tu avais peut-être d’autres choses à vivre avant de te consacrer à la musique. Dans ma vie aussi, j’ai dû faire certains choix pour changer un peu ma vie. Ce n’est pas toujours facile, on ne change pas de jours au lendemain, parfois on est tiraillé par le doute. Pour me donner du courage et de la force, je me dis que ‘’J’ai toujours le choix’’. Quand je regarde autour de moi, je vois beaucoup d’hommes qui se disent aussi qu’ils ont le choix de changer, mais ceux qui changent vraiment ce sont ceux qui se donnent les moyens pour changer. Ceux qui font un grand effort, ceux qui saisissent les bonnes occasions, les bons moments, les bonnes personnes et les bons endroits.. J’espère être un de ses hommes parce qu’aujourd’hui, je crois être au bon endroit, au bon moment et avec la bonne femme. Question : Pour te consacrer à la musique as-tu fais des compromis, des sacrifices ou la musique est arrivée naturellement au bon moment de ta vie..?
11- Bonjour Milla je m’appelle Cuz, 30 novembre c’est le titre d’une chanson. Le 27 avril est le nom d’une bombe. Une bombe qui a éclaté en moi le jour du lancement de mon propre album. Un album que j’ai appelé ‘’Il faut que je parle’’. Ce soir du 27 avril 2007, je n’ai pas parlé, j’ai explosé. J’ai vécu toutes les émotions. Pourtant je devais me contenter d’être heureux, mais ce n’était assez. Il fallait que je m’éclate. Peut-être que je n’avais pas dis tout ce que j’avais à dire. Peut-être que j’avais encore beaucoup de rage en moi. Je travaille sur un deuxième album. Je ne sais pas encore comment je vais l’appeler. Si je lui donne comme titre une date, ça sera 27 avril.. Ou peut-être ça sera la date d’aujourd’hui, 20 mars.. Ça va dépendre peut-être de ta réponse à ma question que voici. Mon fruit préféré s’appelle les raisins. Je n’aime pas les pommes. Et toi que préfères-tu les pommes ou les raisins..?
11- Bonjour Milla je m’appelle Alain. Je retiens de l’ensemble de tes chansons une certaine sagesse que j’essaye moi-même de pratiquer. Tes chansons sont porteuses d’espoir. Elles finissent toutes sur une bonne note. En passant par certaines épreuves, j’ai moi-même appris d’apprécier ce que j’ai au lieu de pleurer ce que je n’ai pas ou ce que je n’ai plus. Ce que je n’ai plus, c’est ma femme que j’ai perdue parce que la mort me l’a volé. Ce qui me reste de ma femme c’est une fille. Une fille qui a aujourd’hui 20 ans et qui est mère d’un petit garçon depuis une semaine. Ce que j’ai c’est le bonheur de savoir que je suis père et grand père. Imaginez un grand-père à 40 ans, c’est moi. Ce que j’ai c’est tous les petits projets que je vais réaliser en quittant bientôt cet endroit. Ce que j’ai aujourd’hui, c’est le grand plaisir de vous voir, de vous parler et vous entendre. Si je peux aujourd’hui entendre vos chansons et les apprécier, c’est parce que mon amour pour ma femme ne dort pas. Elle restera à jamais dans mon cœur. Mon cœur est ouvert et main est tendue à la vie. Chère Milla, je ne te demanderais pas de prendre ma main, je veux simplement embrasser la tienne. Merci.
12- Chère Milla, Je m'appelle Sam. C’est le moment tant attendu de notre rencontre pour écouter votre musique. Nous sommes prêts à une évasion musicale. À toi de chanter et à nous de t’applaudir.
13- Bonjour Milla, c’est encore moi Hinzo. Comme mot de la fin, j’aimerais te confier un témoignage personnel qui va peut-être t’inspirer une chanson. Je conçois mon passage en prison comme un pèlerinage. En prison, on fait du temps. Ce temps-là, moi j’essaye d’en être le propriétaire. Du temps pour soi dans un lieu de transition. Même la fameuse terre promise n’était qu’un lieu de transition. Me faire pèlerin, c’est prendre conscience que je suis en route. En route vers ailleurs. En route vers un autre moi-même. Me faire pèlerin à Bordeaux c’est m’imposer un dépouillement. Aller vers l’essentiel en laissant de côté le secondaire, le futile, l’inutile. Ici, pas besoin d’auto, pas besoin de vélo. Pas besoin de bar pour aller boire le soir. À Bordeaux, je marche beaucoup en silence. Je marche dans ma tête. Ceux et celles qui partent dans un pèlerinage pour une semaine, pour un mois ou pour une année, explore le temps autrement. Ce temps qui passe ou on a l’impression que rien ne se passe. Mine de rien, ce temps me transforme, m’épure et me fait grandir. C’est ainsi que je me sens depuis le début de mon pèlerinage à Bordeaux. Je suis plus que jamais curieux de l’autre que j’apprends à connaître autrement, prêt à l’écouter, prêt à l’aider. Je me reconnais en lui, j’espère qu’il se reconnaît en moi. La plus plupart des lieux de pèlerinage portent les noms de Saints et de Saintes. À Bordeaux, il n’y a pas de saints, il y’a des Souverains. Des hommes qui ont choisi un lieu de transition pour accomplir des tâches, des programmes et des projets afin d’acquérir plus de maitrise sur leur destin. Ce qui compte, c’est ce qu’on est devenu à travers le pèlerinage bordelais. Après tout, qu’est-ce que c’est la vie humaine, sinon, un long pèlerinage. Et qu’est-ce que c’est le bonheur, sinon plus donner que recevoir. Chère Milla, quand tu quitteras cette prison, j’espère que tu auras le sentiment d’avoir vécu avec nous, les Souverains de Bordeaux, un peu de notre pèlerinage. Je dis Merci à ton guitariste Mathieu Ferland et à ta gérante Griselde. Au noms de tous mes camarades, je vous déclare Souverains anonymes.