19 sept. 2013 | Rencontres, Débats de Souverains, Entrevues, 2011 à 2015, Vidéos

Pénélope MacQuade

« Notre confidente, notre complice, notre sœur »

Intégrale de l'émission!

Je quitte ma cellule
Je traverse les couloirs
Je salue mes amis
Je leur dis " à plus tard "

Je n' quitte pas Bordeaux
ce n’est pas un drame
je m’évade dans les mots

et les yeux d’une femme

Ma vie est un roman
Ma vie est une chanson
Qui en est l'auteur
c'est toute la question

Des questions que je me pose
en vers et en proses

Je te salue femme de Culture et de communication
Et je te plaide notre cause

Pénélope McQuade

Bienvenue parmi les Souverains anonymes

1- Avoir peur de l'avenir, c'est avoir peur de l'imprévisible. Avoir peur de l'imprévisible c'est avoir peur de la vie.. Ma vie est tissé de moments imprévisibles, inattendus.. Des bons moments, des mauvais moments.. Aujourd'hui, je vis un bon moment, parce que je vais raconter la vie devant moi à une femme qui va m'écouter sans me juger.. Elle va m'écouter ici et maintenant. Elle s'appelle Pénélope. Moi, je m'appelle Salev...

2- Bonjour Pénélope, je m'appelle Ben, Mohamed m'a confié l'honneur de t'accueillir. Je voulais le faire d'abord en musique.. Avant de laisser mes amis Souverains te présenter leurs témoignages, j'aimerais souligner quelques faits de ta longue carrière. Tu es animatrice, chroniqueuse, grande communicatrice.. Ton domaine c'est la culture. Et nous les Souverains, la culture c'est notre moyen d'évasion, c'est notre moyen d'émancipation.. Depuis 3 ans, tu brilles avec ton talk show éponyme à Radio Canada.. Mais ce qui a attiré notre attention c'est ta participation à ta propre émission Ici et maintenant il y a 3 ans. Ton amie Geneviève Borne t'a surpris avec une proposition: Aller réaliser ce que tu as toujours voulu faire dans ta vie: Changer le monde. Tu as dis dans cette émission, ''On est sur terre pour aider le monde, c'est une question d'équilibre..'' Tu as fais ton voyage en Haïti, tu as partagé le quotidien des haïtiens, tu as visité des coopératives d'alimentation, tu as visité des cliniques de santé, tu as mis ta main à la patte.. tu t'es senti comme un poisson dans l'eau et finalement, tu as été témoin d'un pays qui se lève d'un tremblement de terre, un pays qui assume son destin, un pays qui a déjà donné une leçon de liberté en combattant les armées de Napoléon.. En tant que communicatrice, tu as promis aux haïtiens de parler d'eux. De promouvoir leur produits, leur beauté et le sourire de leur enfants.. De ce voyage, tu es revenue émue, enrichie, grandie.. Alors Pénélope, est-ce que ton voyage en Haïti t'a aidé à mieux envisager la vie devant toi...?

3- ReBonjour Pénélope, je m'appelle Salev, Pour préparer la vie devant moi, je dois m'y préparer ici et maintenant.. Alors, je vais imaginer devant toi, un petit moment de la vie devant moi. Je suis au Sénégal. Je suis à Dakar. Je suis au bord de la plage et loin à l'horizon, j'aperçois une île. L'île de Gorée. Trois siècles auparavant, des milliers d'hommes ont quitté cette île. Je les imagine là, devant moi. À coup de fouet, on les force d'embarquer dans les bâteaux. Ils vont quitter l'Afrique pour toujours en direction de l'Amérique.. Juste à côté de moi, il y a ma fille, elle a 11 ans. Elle me regarde, je la regarde. Elle veut savoir à quoi je pense.. Je lui raconte alors l'histoire des hommes déportés.. Deux jours plus tard, je me trouve avec ma fille au village de mon père. Elle passe la journée à jouer avec les enfants du village. Avec son IPAD, Je la vois montrer des images du Québec à ses nouveaux amis. Elle semble très heureuse d'être sur la terre de ses ancêtres. À la fin de la journée, juste avant d'aller dormir, elle s'approche de moi pour me dire ''Papa, quand je serai grande, je reviendrai en Afrique, j'aimerais y vivre pour toujours..''. Voilà, c'est un moment de ma vie devant moi... Merci de l'avoir écouté.

4- Bonjour Pénélope, je m'appelle Pascal, je suis connu à Bordeaux comme l'artisan des casquettes, j'en ai fabriqué une centaine.. J'aimerais bien que ce travail sert à quelque chose après mon passage à Bordeaux. Alors je t'invite à imaginer avec moi un moment de la vie devant moi: Je suis dans une cellule, sur les murs il y a des grafitti et les photos de femmes en tenues légères.. Aucune fenêtre, juste une porte à barreaux.. sur le lit, il y a des morceaux de tissus qui vont servir à faire des casquettes.. Je me lève et j'avance vers les barreaux.. Je pousse la porte pour me trouver dans un local, un magazin avec une porte qui donne vers la rue.. C'est mon nouveau magasin de casquettes.. Au milieu il y a une grande table avec tout ce qu'il faut pour fabriquer des casquettes.. la porte du magasin s'ouvre.. Des jeunes entrent me saluent et prennent leur places autour de la table.. Je les regarde avec un grand sourire.. Je suis content de les voir.. C'est le premier atelier que je donne à des jeunes décrocheur pour leur apprendre comment faire des casquettes avec du tissu récupéré.. "Alors, vous êtes prêts..?'' oui ils sont prêts à faire ce que moi je n'ai pas su faire à leur âge.. Éviter les chemins de la délinquance.. (Poème).

5- Bonjour Pénélope, je m'appelle Mohamed. Je quitte Bordeaux dans deux semaines, et aussitôt, je prends l'avion, aller simple pour Casablanca... Je suis déjà l'aéroport, j'attends mes bagages. Je regarde à gauche et à droite, j'apprécie les rénovations et le nouveau décor.. Je traverse la douane avec mes valises et j'apper¸ois mon père et ma mère qui m'attendent derrière la barrière.. Je me rappelle que mon père ne voulait pas que je rentre à la maison.. Il a peur que nos vieilles chicanes reprennent, mais il ne connaît pas encore mes projets.. Ma mère et mon père me prennent dans leur bras. Je sens quand-même que mon pèere est content de me voir.. Ma mère elle, est folle de joie.. On arrive au parking pour monter dans la voiture et tout d'un coup j'aperçois un âne qui se promène dans le parking.. Je souris, je me sens vraiment chez-moi.. Après une semaine seulement chez mes parents, un matin, au moment du petit déjeuner, je leur annonce la nouvelle ''Papa, maman, écoutez-moi bien, demain je reprends l'avion'', mon père est surpris, ma mère me répond aussitôt ''quel avion..? Tu viens d'arriver et je ne t'ai pas encore présenté ta future fiancée...'' Je prends une gorgée de jus d'orange frais et je leur lance la nouvelle sans introduction ''Je prends l'avion, on m'attend ailleurs..'' ''Où ça ailleurs..?'' me demande ma mère. Mon père ne dit rien mais il est intrigué.. ''Papa, maman, je prends l'avion demain, parce qu'on m'attend en Chine..'' Et avant que ma mère ne me pose une autre question, je poursuis ''Je pars en Chine, à Shanghai pour faire des affaires.. Je veux importer au Maroc un produit particulier que pour le domaine de la construction.. Ça fait des mois que je prépare ce projet, avec les chinois les affaires se font mieux de personnes à personnes, je vais signer des contrats d'affaires et par la même occasion je vais faire la connaissance d'un pays et d'une grande culture..'' Mes parents n'en reviennent pas.. Mon père n'arrive à cacher sa joie.. Son fils va faire des affaires avec les chinois.. Ma mère, elle, je la sens plutôt inquiète.. Je la rassure ''Maman, je vais pas me marier avec une chinoise..'' Elle éclate de rire.. Je suis de nouveau à l'aéroport, mon père me regarde droit dans les yeux et il me dit: ''Tu sais ce que le prophète a dit, allez chercher la connaissance même en Chine..''. Je suis dans l'avion et j'ouvre mon petit livre pour apprendre comment dire en chinois ''Bonjour, ça va, comment vas-tu..?'' Alors Pénélope, bonjour, ça va, comment vas-tu..?

6- Bonjour Pénélope, je m'appelle Kalvin. J'ai toujours été fier de ma mère. Elle est comme ces femmes haïtiennes que tu as rencontrées à Port-au-Prince, combattante, travailleuse, prête à mourir s'il le faut pour que ces enfants vivent bien. Imagine sa déception de me voir, moi son fils adoré, en prison. Alors, j'ai voulu gagner sa fierté envers moi. J'ai décidé de terminer mon secondaire 5 en prison et j'ai fini par l'obtenir en mai dernier. Ma mère est sûrement en train de regarder ses images, j'aimerais bien que tu lui fasses un petit bonjour à la caméra, elle sera encore plus fière... Ce que je ne t'ai pas dis chère Pénélope... Quand j'ai recommencé l'école ici à Bordeaux, je voulais le faire uniquement pour ma mère.. Mais dès le premier cours, la professeur de français m'a fait aimé le français.. J'ai vraiment repris goût de l'école, Je ne sais pas ce que je vais faire avec mon diplôme, mais les connaissances que j'ai apprises vont sûrement m'aider pour construire une meilleure vie devant moi...

Pour prendre mes distances avec Bordeaux, je vais faire un voyage en Jamaïques.. je suis à la plage.. J’entends la musique derrière moi, c’est le mariage de ma cousine.. l’ambiance est joyeuse.. je suis heureux de retrouver la famille.. Parfois, je me demande si je rêve.. je fais quelques pas vers la mer, je regarde au loin, j’aperçois un bâteau.. Ma cousine vient me retrouver avec son mari, ils me souhaitent la bienvenue.. Par curiosité, je lui demande à qui appartient le bâteau que je vois dans l’horizon.. Elle me regarde et me dit, « Vaut mieux ne pas le savoir.. ».. J’ai compris par cette réponse que ma cousine cousine m’aime trop pour me dire ce que je ne veux pas entendre.. (impro)....

7- Bonjour Pénélope, je m'appelle Loudimir, le ciel est bleu aujourd’hui, il était peut-être bleu hier, mais hier tu n’étais pas là.. Aujourd’hui le bleu du ciel je le vois dans le bleu de tes yeux.. là où danse les Dieux.. Tu entends les vagues, tu entends les oiseaux, tu entends ma voix.. c’est moi, Loudimir.. un homme libre, face à une femme libre.. le bateau s’approche, nous allons embarquer vers une destination de rêve, je vais te ramener dans mon Haïti natal.. Pas à Port-au-Prince.. Non, regarde, tu vois ces montagnes, cette verdure, ces arbres, ces manguiers, ces bananiers, ces cocotiers.. c’est ici que je suis né, sur la Perle des Antilles.. Nous sommes en 1805, un an après la naissance de la République noire, la première dans l’histoire.. Tous les hommes, toutes les femmes sont libres.. Regarde, tu vois qui arrive, je te présente ma fille …….. Elle a 11 ans. « Dis Bonjour à Pénélope.. ».. Nous sommes en 2013! La vie est devant chaque haïtien qui n’oublie pas que l’union fait la force.. Nous sommes en 2020 et je me souviens du jour ou tu es venu rencontré les Souverains.. Alors, comme on dit ici.. Souverain un jour, Souverain toujours..

8- Bonjour Pénélope, je m'appelle Victor.. Moi aussi, j'ai fais le choix d'aller à l'école ici à Bordeaux. Quand j'ai vu le prof entrer en classe j’ai prouvé le même sentiment quand je suis entré la première fois à l’école.. J’avais hâte d’apprendre quelque chose.. Je me suis dis si ma mère me voyait là, elle serait fière de moi.. De temps en temps, je l’imaginais au fond de la salle, je me retournais la tête pour lui faire un clin d’œil.. En réalité, si j’ai repris l’école, ce n’est pas uniquement pour faire plaisir à ma mère, c’est parce que je sais que ma vie devant moi dépendant aussi de ce que j’aurais appris à l’école.. J’ai déjà perdu trop de temps dans les niaiseries.. c’est pas avec ça que je vais fonder une famille, avoir des enfants.. si je veux être utile à mes enfants, je dois être utile à moi.. Il m’arrive souvent de fermer les yeux pour imaginer la vie que je veux vivre plus tard, je vois une maison, une femme, des enfants, je vois la joie, le bonheur dans les yeux de mes enfants.. Mais, rien de ça ne va arriver si je ne fais pas beaucoup d’effort à commencer par aller à l’école.. Je vois ma mère, elle est au fond de la classe, elle me fait un autre clin d’œil.. je lui chuchote dans l’oreille « Tu peux partir maman, ton fils a compris… ».

9- Bonjour Pénélope, je m'appelle Hamza.. Je suis le fils d’un père modèle, un ingénieur de haut niveau.. Mon père voulait le meilleur pour ces enfants, alors il a plié bagage avec ma mère pour nous quitter l’Algérie et nous amener au Canada.. À notre arrivée, un travail attendait déjà mon père.. Il travaillait tellement que je ne le voyais pas souvent.. je me suis fais un petit monde.. un monde que mon père n’avait pas prévu pour moi.. un monde de délinquance.. imagine la déception de mon père.. celle de ma mère.. Mais entre moi et mes parents, je ne communiquais plus.. J’étais devenu sourd à ses paroles, à ses conseils.. Aujourd’hui à 23 ans, la prison m’a fait beaucoup réfléchir.. j’entends parfois la voix de mon père dans la nuit, la même voix que je ne voulais pas écouter.. « Hamza, tu vas le regretter.. Hamza, l’école c’est mieux que la rue,.. Hamza, n’attends d’aller en prison avant de comprendre.. » « Papa, tu avais raison.. papa, j’ai eu le temps de réfléchir.. Papa, je retourne à l’école.. Papa, j’ai 23 ans.. Papa, j’ai encore la vie devant moi… ».

10- Bonjour Pénélope, je m'appelle Snyder. Moi aussi je vais te confier un petit moment de la vie que j'imagine devant moi.. Après un petit séjour à la prison de Bordeaux, aussitôt après ma libération, je fais mes valises et je saute dans l'avion.. Direction, République Dominicaine.. Avant l'atterrissage, je contemple déjà les paysages de l'île Espagnola, la terre de mes ancêtres.. En quittant l'avion, je suis accueilli par un vent chaud, très chaud.. Je me sens chaleureusement accueilli par ce pays que j'ai longtemps rêvé de visiter. Je viens de passer par les douanes, et je meurs d'impatience de voir mon grand et cher ami Beto.. Je suis dehors au milieu des bruits des voitures et des taxis, je regarde partout et je ne vois pas encore mon ami.. Je ne comprends pas, ce voyage, c'est pour lui que je le fais.. Il le sait.. Tout d'un coup une main se pose sur mon épaule.. Je me retourne et là je vois cet homme avec qui j'ai déjà partagé ma cellule à Bordeaux.. Beto pleure de joie.. et moi aussi.. un taxi s'arrête juste devant nous.. le chauffeur met la salsa à plein volume, spontanément, je me met à danser.. Je me sens loin du Québec, loin de Montréal, loin de Bordeaux.. Dans le taxi, Beto est encore sous l'émotion, en me voyant c'est tout son passé qui lui revient, à cause de l'embouteillage, le taxi ne roule pas vite.. je me retourne vers Beto ''ça va être long avant d'arriver chez-toi..'' il me regarde fixement et me répond, ''oui ça va être long, parce que chez-moi, c'est au Québec..''. et puis il ajoute ''Tu m'as pas donné des nouvelles de mes cinq enfants..'' je réponds ''Tes enfants vont très bien..''.. Beto a été déporté quelques mois auparavant par le Canada.. Il a vécu pendant 30 ans au Québec.. Il avait 5 ans quand il est venu rejoindre son père à Montréal.. Finalement, je change d'idée, je donne au chauffeur l'adresse de l'hôtel que j'ai réservé.. Un hôtel 5 étoiles, avec une grande piscine qui donne vers la mer.. Je ne peux pas ramener Beto au Canada, mais je peux lui faire vivre du bon temps pendant deux semaines.. Beto saute de joie en voyant la grandeur de la chambre d'hôtel.. Il chante sous la douce, il plonge dans la piscine, il sirote son cocteil en regardant les cocotiers.. Beto a construit son identité au Québec, il a eu 5 enfants au Québec, il a tout appris au Québec.. Il est devenu québécois, aujourd'hui, il est en République Dominicaine et il doit construire une autre vie.. Alors, je lui dis, les yeux dans les yeux, ''Beto, si j'étais toi, je me sentirais chanceux de repartir à zéro.. laisse le soleil de ce pays te guider sur la bonne voie.. ''. Je me lève, il se lève et ensemble, nous plongeons dans les vagues chaudes de l'Atlantique.. MERCI!

11- ReBonjour Pénélope, c'est encore Ben. Je me permets de t'offrir un autre petit voyage dans l'espace et dans le temps. On ne quittera pas Montréal, on quittera pas Bordeaux, on ne quittera même pas ce studio.. Ici et maintenant je t'invite à écouter ma réponse à une question que tu as posée à Mohamed lorsque tu l'as reçu à ton émission cet été: Comment on fait une émission radio pour la première fois en prison..? Je vais te raconter comment j'ai vécu la première fois mon entrée à SA. C'était en 2007................................. (Chanson).

12- Mot de la fin:

Pénélope McQuade, pour moi c’est la dernière fois que je mets les pieds ici à Bordeaux. J’ai appris, ce que j’ai à apprendre. Mais toi par contre, ça serait bien que tu récidives chez les Souverains (n’est-ce pas les gars?). D’autres Souverains aimeraient bien confier à toi leurs rêves et leurs projets. Écouter un détenu qui parle de son avenir, c’est une façon de lui faire confiance et de lui donner confiance. C’est une façon de croire en lui, en ses capacités. Pénélope, tu as été aujourd’hui, notre confidente, notre complice, notre sœur, ici et maintenant, en toute humanité.. Au nom de tous mes camarades Souverains, je te déclare Pénélope Mcquade, Souveraine anonyme.

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