24 janv. 2013 | Rencontres, Débats de Souverains, Vidéos, 2011 à 2015, Audios

Le Père Jean 2013

« À tous ceux et celles qui rêvent de justice et de liberté…. »

Le Père Jean chez les Souverains 2013

Je quitte ma cellule
Je traverse les couloirs
Je salue mes amis
Je leur dis " à plus tard "


Tu n' quitte pas Bordeaux
du moins pas encore
tu m’évade dans les mots

et la musique des noirs

Ta vie est un roman
Ta vie est une chanson
Qui en est l'auteur
c'est toute la question

Des questions que tu te poses
en vers et en proses

Je te salue Pape de Bordeaux
Et je te plaide notre cause

André Patry, Père Jean,
Bienvenue parmi les
Souverains anonymes

1- Bonjour mon père, je m’appelle Michel. Nous sommes particulièrement contents de te recevoir à notre émission. Un programme que tu connais bien puisque tu y as participé à maintes reprises et de différentes manières. Tu es ici parce que tu viens de publier un livre qui présente les confidences de prisonniers que tu as connu personnellement durant tes 38 ans de vie comme aumônier de Bordeaux. Déjà en 1992, dans ta première rencontre avec les Souverains, tu as été déclaré le Pape de Bordeaux. Une émission spéciale dans laquelle il était beaucoup question de spiritualité et d’autres choses. On reviendra plus tard sur l’autre chose. Personnellement, je reçois ta visite parmi nous comme un cadeau, puisque c’est demain que je quitte Bordeaux. À la fin de notre émission, je vais te livrer en musique ma lettre de confidence que j’ai spécialement composée pour cette rencontre. En attendant, les Souverains vont te confier leurs propres confidences. Mais avant de les entendre mon père, voici une question simple. Depuis que tu as quitté Bordeaux il y a 5 ans, est-ce que Bordeaux t’a quitté.. un peu..?

2- Bonjour mon père, je m’appelle Pierre-Louis. Ton premier livre s’appelle « 38 ans derrière les barreaux », écrit avec la collaboration de France Paradis. Le deuxième, c’est moins ton livre que celui d’anciens prisonniers puisqu’il s’appelle « Confidences de prisonniers ». Ce sont des lettres et des écrits de détenus que tu as côtoyé durant ton passage de 38 ans à Bordeaux. Alors, question de journaliste de Radio Canada. En quoi les confidences dans ton livre serait-elles différentes des autres confidences déjà publiées dans d’autres livres..?

3- Bonjour mon père, je suis Ronald. Moi je n’ai pas grand-chose à confier. Ma confidence passe par le silence. Par la méditation. Par le recueillement. Je me mets en état de téléchargement direct avec le seigneur. Je le laisse pénétrer dans mon cœur et mon âme. Il me connaît plus que moi-même. Je suis son œuvre divine. Il m’a fait de chair et de sang. Il m’a fait de cœur et d’esprit. Il a mit en moi un espace aussi grand que l’univers. Ma vie entière ne suffirait pas pour l’explorer. Alors, je m’abandonne à sa puissance infini pour qu’il répare ce qu’il y a à réparer, de corriger ce qu’il y a à corriger. Je donne un peu d’effort et lui le seigneur, il fait le reste. Quand ça va mal, je lève la tête et les yeux au ciel. Quand ça va bien je lève la tête et les yeux au ciel. Je le fais naturellement, comme guidé par une inspiration, par une force plus forte que moi, plus grande que moi. Je t’ai dis mon père, que je n’avais pas grand-chose à te confier.. Finalement, ce n’est pas vrai. Tu dois être un bon prêtre. Mieux encore, tu dois être une bonne personne. Un homme de confiance. En tout cas moi, je te fais confiance. Merci mon père. À propos de confiance, pour recevoir autant de confidences de la part de tous ces hommes passés par ici, il fallait qu’on te fasse confiance. La confiance, ne serait-elle pas la plus belle chose que tu as récoltée de tes 38 ans à Bordeaux..?

4- Bonjour Père Jean. Je m’appelle John. Si je devais écrire une lettre de confidence, c’est à ma mère que je l’adresserais pour lui confier toute ma reconnaissance. Ma mère ne m’a jamais jugé. Souvent, elle s’est déplacée de très loin pour venir me rendre visite. Elle sait que je suis le mouton de la famille. Elle m’aime pareil et c’est grâce à cet amour inconditionnel que je tiens le coup. Grâce à ma mère et sa bonne éducation que je demeure une personne gentille, polie et toujours prêt à aider mon prochain.. J’ai envie de confier tout ça à ma mère, mais aussi à moi-même. J’ai toujours été un peu différent, un peu étrange. C’est à moi de trouver le moyen de rester différent, de rester étrange sans jamais revenir ici. Je vais écrire à ma mère avec cette conclusion : De toutes les mères, Dieu t’a choisi comme ma mère. Dieu est bon pour moi. Dieu m’aime. Mon père, tu as écouté beaucoup les confidences de prisonniers. Et leurs familles se confiaient-elles à toi aussi..?

5- Bonjour Père jean, je m’appelle Guillaume. D’abord, je voudrais te remercier pour ta présence parmi nous la semaine dernière lors du lancement du projet « La vie devant soi ». J’ai moi aussi lu ton livre « Confidences de prisonniers ». Et ça m’a amené à me poser cette question : « Si j’avais à me confier à quelqu’un, ça serait qui et pour lui dire quoi » Et la réponse est simple, c’est à moi que je m’adresserais. Je crois que j’ai beaucoup de choses à me dire. Les premiers mots que je m’adresserais sont les suivants : « T’es un gros sans dessin, tes parents t’ont envoyé à l’école privée et regarde où tu es aujourd’hui » Mais pour une vraie confidence, je ne m’arrêterais pas là. Je ne peux faire autrement que jeter un regard profond dans mon passé. Quand j’étais petit, quand ma mère ne pouvait plus s’occuper de moi pour cause de fatigue chronique. Parce qu’elle ne voulait pas que moi je m’occupe d’elle. Elle ne voulait pas que je garde d’elle l’image d’une femme malade. Le drame a commencé lorsque je suis entré dans une école privée comme interne. Je te laisse mon père imaginer les humiliations que j’ai dû subir parce que j’étais gros et intelligent. Je te laisse imaginer aussi comment j’ai dû me défendre pour surmonter mon statut de victime. La confidence que je me fais aujourd’hui est la suivante. À force me défendre, je suis passé de statut de victime à celui de délinquant. Toute la question qui se pose à moi aujourd’hui : Comment faire pour ne plus être ni victime, ni délinquant..? Père Jean, je ne vous demanderais pas de répondre à ma place. Je sais que la seule façon pour moi de me délivrance de la délinquance c’est de regarder la vie devant moi. Je ne pourrais pas continuellement traîner mon passé comme un fardeau.. J’ai 30 ans. Sur l’écran noir de ma nuit blanche, je regarde la vie devant moi. Une autre confidence que j’adresse directement à ma mère. Elle se résume en deux mots : Pardon Maman. Père Jean, si tu devais nous confier quelques paroles sur ta mère, tu dirais quoi..?

6- Bonjour Père jean, je m’appelle Guido, si je devais me confier à quelqu’un ça serait à Dieu. J’ai des questions à lui poser. La première question est la plus importante; Pourquoi suis-je en prison..? Je sais pourquoi, je le suis. J’assume ma responsabilité. Mais quand je vois mon passé, mon éducation, ma famille.. Rien ne me destinait à être en prison. Pourquoi telle chose est arrivée pour provoquer une série de choses pour que finalement je me trouve en dedans..? Peut-être que je n’aurais jamais de réponses à mes questions. Peut-être que je suis le seul à devoir trouver la réponse. Peut-être même que ce n’est pas important de connaître la réponse. Peut-être que la seule chose qui compte, c’est la vie devant moi. Et toi le père jean quand tu entendais certaines confidences de prisonniers, j’imagine qu’il t’arrivait de te sentir impuissant parce que tu n’avais pas de réponse à donner ?

7- Bonjour mon père, je m’appelle John-Clyde. La seule confidence que j’aimerais faire c’est à ma mère. Pour lui dire Merci de ne pas avoir commis l’erreur de m’envoyer au centre d’accueil. Quand je vois le résultat des centres d’accueil sur mes frères, je trouve que ma mère m’a rendu un grand service. Ma mère était monoparentale. Elle m’a élevé à sa manière. Ma mère est née en Haïti. Moi je suis née au Québec. Mais dans sa tête et dans son cœur, ma mère n’a jamais quitté vraiment Haïti. Elle pensait qu’elle pouvait m’élever comme si elle vivait encore là bas. Résultat : À la maison, j’étais en Haïti et à l’école j’étais au Québec. Deux climats différents. Deux mentalités différentes et parfois opposées. À cause du choc des cultures que je vivais j’ai fini par être nulle part. Ni au Québec, ni en Haïti. Un seul pays à fini par me recevoir et m’accepter est celui d’une certaine délinquance. Aujourd’hui, je crois que je me suis réconcilié avec ma mère, avec mon père que j’ai tatoué sur mon bras. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus serein, beaucoup moins confus sur mon identité. Je suis un québécois d’origine haïtienne. C’est ça que j’aimerais confier à ma mère.

Par ailleurs, je pratique une autre forme de confidence. Chaque jour je me confie à mon journal. J’écris pour me raconter et pour garder une certaine discipline de vie. J’écris chaque jour pour maintenir un exercice intellectuel. Je crois que c’est très important de savoir exprimer ses pensées. Savoir confier une idée. C’est le fondement de la vie en communauté. Merci Père Jean d’avoir écrit ce livre et de m’avoir écouté. Question : Père Jean est-ce que tu te confie à un journal ?

8- Bonjour Père Jean, je m’appelle Jean, en lisant votre livre, j’ai bien noté que plusieurs confidences sont signées par des hommes qui se sont suicidés après. Leur lettres n’annoncent pas leurs suicides, donc, je me suis posé la question pourquoi avoir précisé ce détail sur eux..? En quoi ça peut servir le lecteur que ces confidences soient celles d’hommes qui se sont donnés la mort puisque leur confidences ne fait aucunement allusion à leurs suicides ?

9- Bonjour mon père, je m’appelle Christian : Ma confidence à moi je l’adresse à mes parents : J’exige un mouchoir pour mes yeux. J’ai trop fais pleuré mes vieux. (Poème).

10- Bonjour Père Jean, je m’appelle Dave. Tu me connais bien.. Je garde de très bons souvenirs de mes passages à la chapelle de Bordeaux lorsque tu officiais comme aumônier. Si j’ai quelque chose à te confier maintenant, c’est de n’avoir jamais oublié ces moments que j’ai passé à la chapelle. C’était pour moi des moments d’évasion spirituelle et aussi des moments ou j’ai eu beaucoup de fun.. Parce que toi Père Jean, sous tes allures d’homme de Dieu, tu es un homme drôle, un homme de grand esprit, un homme d’humour. Tu aimes rire et faire rire. On ne s’ennuie jamais en ta présence. Que ce soit durant la messe ou dans ton bureau, ton cœur est toujours ouvert à l’humain dans toutes ses dimensions. Je n’étais pas là, à ta dernière messe avant de prendre ta retraite, il y a 5 ans. Mais Mohamed nous a fait entendre le reportage qu’il a réalisé sur toi pour Radio Canada! Cela m’a replongé dans les bons souvenirs et cela m’a rappelé surtout qu’avec toi on était toujours dans une présence divine.. Si tu permets Père Jean, Mohamed m’a accordé cet honneur, au nom de tous mes camarades, je te déclare à nouveau, André Patry, Pape de Bordeaux.

11- Bonjour mon père, je m’appelle Guillaume. Si tu veux bien, parlons un peu de sexe. Dans cette première rencontre radiophonique de 1992 avec les Souverains, un des Souverains se demandait si jamais de ton vivant, les prêtres n’étaient plus obligés d’être condamnés au célibat, dans quelle cellule allais-tu te cacher de toutes ces femmes qui voudraient t’avoir comme amant. Aujourd’hui, 20 ans plus tard, la question se pose toujours..? Mon père, c’est à ton tour de te confier à nous : Dans quelle cellule, dans quel secteur de Bordeaux, vas-tu te cacher de toutes ces femmes qui voudraient t’avoir comme amant..? Mon père, tu es l’exemple vivant qu’on peut être prêtre tout en restant coquet!!

12- Bonjour mon père, c’est encore Michel. Avant de se quitter, je te confie cette chanson qui raconte tout de moi, ou presque :

13- Bonjour, je m’appelle Ben. Au début de ton livre « Confidences de prisonniers », tu fais une dédicace, « À tous les sans-voix, les exclus, les blessés de la vie, à tous ceux et celles qui rêvent de justice et de liberté ». Les confidences que tu révèles dans ce livre proviennent de personnes que tu as connues, que tu côtoyé, que tu as accompagné. Par ce livre tu voulais sûrement libérer la parole des hommes passés par Bordeaux. Mais toi aussi Père Jean, tu es passé par Bordeaux, pendant 38 ans, tu as été aumônier et par l’occasion même confident. Un jour, tu vas sûrement nous révéler tes propres confidences, peut-être que toi-même, tu as dû te sentir parfois un peu prisonnier. En attendant la sortie du livre, « Les confidences du Père Jean », je te souhaite mon père bonheur et santé, bonheur et sérénité. Au nom de tous mes camarades, je te déclare Père Jean Souverain anonyme.

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