12 févr. 1998 | Vidéos, Hip Hop, Audios, Rencontres, 1996 à 2000

Jean-Louis Daulne

"T’as voulu voir Bordeaux et t’as vu une prison. T’as voulu voir la prison et t’as vu les Souverains"

Jean-Louis Daulne 1

Chanteur

12 Février 1998

Jean-Louis Daulne 2

Chanteur

12 Février 1998

Vesoul.
Extrait du spectacle.

Extrait final.

Jeudi 12 février 1998


Je quitte ma cellule

Je traverse les couloirs

Je salue mes amis

Je leur dis « à plus tard »

Je n’ quitte pas Bordeaux

du moins pas encore

je m’évade dans les mots

et la musique des noirs

Ma vie est un roman

Ma vie est une chanson

Qui en est l’auteur

c’est toute la question

Des questions que je me pose

en vers et en proses

Je te salue Jean-Louis

Et je te raconte la chose

Jean-Louis Daulne

Bienvenue parmi les

Souverains anonymes

1- Salut Jean-Louis et bienvenue sur le sol sacré du temple de l’anonymat. Ici tu es avec des anonymes connus par leurs comportements Souverains. C’est l’amour du risque et de la liberté qui nous réunit dans ce temple. Parmi les 200 invités de notre émission, tu es le premier artiste zairobelge qui franchit les murs de notre temple. Alors faisons connaissance. Nous savons que tu es né au Zaïre d’une mère zaïroise et d’un père belge, parle nous de ton enfance qui a fait de toi le zèbre que tu es devenu aujourd’hui..?!?

2- Salut Jean-Louis, moi aussi je ne peux pas prétendre connaître bien mon père. Il brillait par son absence et surtout par son silence. C’est ma mère qui devait porter tout sur elle. Toi Jean-Louis, ta vie tourne autour d’un père qui est mort quand tu avais deux ans. Si tu avais à choisir entre un père absent parce qu’il est mort et un père présent mais qui ne dit jamais à son enfant « Je t’aime », lequel des deux pères tu choisirais..?!?

3- Salut Jean-Louis, je ne te dirais pas comment on reconnaît un belge dans une partouse. Tu le sais peut-être. Ce que je veux savoir par contre. Quand tu entends une farce sur les belges, est-ce que cela règle ton problème d’identité. Autrement dit, est-ce que tu te sens plus zaïrois que jamais..?!?

4- Comme toi ton album est un caméléon de styles musicaux: Rap, jazz, blues, balade, salsa, scat, chanson française et complainte africaine. Il y a de quoi étourdir le vendeur de ton album. Mais il y a sûrement une musique plus proche de toi que les autres..Laquelle?!?

5- Ta chanson « Dedans mon miroir » commence avec le bruit de l’eau dans une toilette. Ça m’a rappelé un souvenir de prison. Dedans ma cellule, il m’était arrivé durant une semaine d’entendre les goûtes d’eau du lavabo qui tapaient comme les tic-tac d’une horloge. Ce bruit était devenu ma musique d’ambiance, ma berceuse du jour et de la nuit. Je pouvais accompagner le rythme de l’eau avec différentes mélodies que je composais moi-même. « Concerto pour une fuite d’eau dans une cellule de prison », c’était ma musique de chambre à moi. Comme tu vois Jean-Louis, dans le temple de Bordeaux, on peut faire beaucoup avec peu. Et toi aussi, on sent dans ta musique que tu veux faire beaucoup avec ta bouche. Est-ce que c’est ta sensibilité africaine qui détermine ce choix..?!?

6- Salut Jean-Louis, je m’appelle Alain, je suis aussi musicien et compositeur. Dans mon cheminement musical, je n’ai jamais ambitionné pour une carrière. J’écris pour moi, je chante pour moi. Le spectacle ne m’intéresse pas. Est-ce qu’il est nécessaire pour toi d’exposer ta création musical pour te sentir épanoui et heureux..?!?

7- Salut Jean-Louis, je suis Tony haïtien d’origine. J’aime bien ta chanson « C’est si sale ça » parce qu’elle raconte un peu mon histoire avec la drogue. Et comme toute histoire de drogue, la mienne cache un manque d’affection, celui de ma mère que je n’ai pas connu durant des années parce qu’elle devait immigrer au Canada. La drogue devait geler le mal que cette séparation m’a fait. Mais plus j’en prenais plus le mal était grand. C’est la suite logique de toute histoire de drogue. Comme tu vois Jean-Louis, aujourd’hui, je ne suis plus un drogué. C’est grâce à ma fille et ma femme. C’est quand j’ai réalisé que ma famille comblait toute l’amour que je n’ai pas eu que j’ai arrêté de me droguer. La drogue pour moi aujourd’hui, c’est ma famille et ma musique. En attendant de réaliser mes projets en musique, je suis à Souverains anonymes et je pose des questions à nos invités.

À propos de ta chanson « C’est sale ça », comment expliques-tu de composer une musique joyeuse comme la salsa sur un thème aussi grave que la drogue. Est-ce que tu l’as fais par ironie, par cynisme, par humour ou c’est le jeu de mot « sale ça » qui a déterminé ton choix..?!?

8- Salut Jean-Louis, je m’appelle Nadeem. Je viens du Pakistan, un pays où l’amour est impossible. Je suis un exemple vivant d’une histoire d’amour qui n’a pas eu lieu. Elle s’appelait Saîma. J’avais 15 ans, elle avait 14. De toutes les filles, elle était la plus belle. Je ne voyais qu’elle. Je ne rêvais que d’elle. Mais, jamais je n’ai osé lui avoué mon amour. J’étais trop timide et mon éducation m’empêchait de lui exprimer mon amour. Pour mettre fin à mes souffrances je lui ai écris une lettre avec mon sang comme preuve d’un amour sincère. Aujourd’hui, je suis au Québec. Elle est au Pakistan. Je n’ai jamais envoyé la lettre. Je ne sais pas si je dois le regretter. Chose certaine, je pense toujours à elle et je me dis que c’est peut-être ça le vrai amour. Être loin de celui qu’on aime. Je suis en panne d’amour, je suis en panne d’une femme qui s’appelle Saima.. Toi Jean-Louis,

9- Salut Jean-Louis, dans ton album, « Calamité » est la chanson la plus onomatopée. On dirait un exercice de diction dans une langue africaine. On ne sait pas à quelle calamité tu fais allusion. Celle de la famine en Afrique, celle de la guerre, celle du racisme, celle des prisons, ou celle de Marc Dutrout et ses amis complices du pouvoir belge..?!?

10- Salut Jean-Louis, les africains ont le rêve américain et moi j’ai le rêve africain. Toi, tu es né sur la terre noire au Zaïre. Que peux-tu me dire sur l’Afrique qui donne envie d’y être..?!?

11- Quand on est à la fois noir et blanc comme toi et vivant parmi les blancs, est-ce qu’on est plus apte à comprendre le mystère du racisme..?!?

12- Salut Jean-Louis, je m’appelle Jonathan. Il m’est déjà arrivé de préférer ne pas avoir de père que d’avoir un père fantôme. J’en ai voulu tellement à mon pères et à ses absences que j’ai déjà écris une chanson. Je l’ai appelé « Ni vu, ni connu ». Toi Jean-Louis, ta vie tourne autour d’un père qui a été assassiné alors que tu avais deux ans. Dans la pochette de ton album sur la page des remerciements tu soulignes les assassins de ton père. Quel rapport tu fais entre les assassins de ton père et toi..?!?

13- Salut Jean-Louis, je m’appelle Mohamed. Moi aussi j’ai écris un jour une chanson sur mon père. Je l’ai appelé « Porté disparu ». Mais je n’ai pas envie de parlé de mon père. J’ai envie de te parler de ma soeur. Elle s’appelle Gabrielle. En Haïti, quand elle était jeune, elle jouait au soccer (le football) avec une équipe qui s’appelait TIGRESSE. Les jeunes garçons lui tournaient autour comme des loups et moi, très jaloux, je jouais au lion pour chasser les indésirables. Aujourd’hui, ma soeur a 40 ans. Trois enfants. Pas de Marie. Pas de tchum. Libre et indépendante. Voilà, je t’ai parlé de ma soeur. Parle moi de la tienne...?!?

14- Salut Jean-Louis, dans cette prison, je suis un des rares qui sait jouer à une guitare. Ma cellule se transforme souvent en petit bistrot. Avec ta présence aujourd’hui, le bistrot est plus grand et nous sommes plus nombreux. Tu es accompagné de ton pianiste Christophe Vervoort. Avant de te chanter nos chansons, tu vas nous chanter les tiennes. À toi de jouer et à nous de vous applaudir......

15- Jean-Louis Daulne, t’as voulu voir le Canada et t’as vu le Québec. T’as voulu voir le Québec et t’as vu l’Acadie. T’as voulu voir l’Acadie et t’as vu Bordeaux. T’as voulu voir Bordeaux et t’as vu une prison. T’as voulu voir la prison et t’as vu les Souverains. T’as voulu voir les Souverains et qu’est ce que t’as vu..? La musique.. Jean-Louis Daulne, au nom de tous mes camarades, je te déclare toi et Christophe Vervoort Souverains anonymes....?!?

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