« Je savais que les girafs étaient poilus, mais pas à ce point.. »
Groupe reggae québécois
12 Mars 2009
Groupe reggae québécois
12 Mars 2009
Je veux pas m'en aller!
Coup de semense!
Khalouna de Bambara par Kattam
Je quitte ma cellule
Je traverse les couloirs
Je salue mes amis
Je leur dis " à plus tard "
Je n'quitte pas Bordeaux
du moins pas encore
je m’évade dans les mots
et la musique des noirs
Ma vie est un roman
Ma vie est une chanson
Qui en est l'auteur
c'est toute la question
Des questions que je me pose
en vers et en proses
Je te salue belle et brave femme
Et je te plaide notre cause
Mad'Moi'Zèle Giraf
Bienvenue parmi les
Souverains anonymes
1- Bonjour Mad’Moizèle Girafe, je m’appelle Mohamed. Ian, Philippe et André. Je vous souhaite la bienvenue parmi nous. Mais je dois vous dire qu’en préparant cette rencontre, je croyais qu’on parlait d’une jeune Demoiselle, avec un cou de rêve, un cou de girafe. Je l’imaginais africaine, venue d’un de ces pays où les girafes paradent librement dans la nature. Mohamed a laissé planer le suspens. Il m’a fait marcher un peu. Dans ma tête j’étais rendu dans les savanes d’Afrique. Je contemplais les belles girafes. Je les voyais se déhancher comme les amazones. Je me sentais privilégié d’être en bonne compagnie. Je vous laisse imaginer ma déception quand j’ai découvert que Madmoizelle Giraf c’est en réalité deux Messieux barbus, poilus de Montréal. Et en regardant votre photo, je me suis posé cette question Pourquoi Madmoizelle Giraf et non pas Monsieur Lion. Je viens d’Afrique et je sais distinguer entre une girafe et un lion. Entre un chien et une chienne. Entre un chat et une chatte. Alors la première question s’adresse aux fondateurs du groupe Mad’Moizèle Giraf Ian et Philippe, qui êtes-vous ? D’où venez-vous et où allez-vous..? Parlez-nous un peu de vous et surtout dîtes-nous Pourquoi Mademoizèle Giraf et non pas Monsieur le loup..?
2- Bonjour Mad’Moizèle Girafe, je m’appelle….., Parlons un peu de votre musique, Dès la première toune de votre album, vous annoncez vos couleurs. Par votre musique vous voulez faire bouger les tignasses. Faire réfléchir les carcasses. Faire changer le mal de place et trouver une alternative à l’hégémonie du signe de piastre. C’est tout un programme. Nous autres en écoutant votre album, nous avons été d’abord impressionnés par la qualité du son et la musique. C’est du ragamuffin, du dance hall, c’est dansant, palpitant. Mais en dehors de la forme musicale, on sent que vous êtes les héritiers de tout un mélange d’artistes et de groupes québécois. Les Colocs, les loco locass, les French B et si on écoute bien comme il faut les paroles, il y a même un peu de Plume et de sa dérision. Mais dans tout ça votre véritable intention, est-ce d’amuser les gens, les faire danser ou de les faire réfléchir..?
3- Bonjour Mad’Moizèle, je m’appelle Zakarie, dans votre chanson Montréal Stylé, vous rendez hommage à Montréal. Vous en faîtes un portrait plutôt sympathique. Le Montréal de la diversité, Montréal terre d’accueil pour des immigrants qui viennent de partout dans le monde. En quelque sorte, je suis moi-même un immigrant. Mon bled à moi c’est Alma. Quand je suis arrivé à Montréal c’était pour vivre une aventure musicale dans les clubs, dans les spectacles. Mais j’ai fini par découvrir aussi le côté sombre de Montréal. Vous n’en parlez pas beaucoup dans votre chanson. Le Montréal underground, le Montréal des anarchistes, le Montréal des pauvres à Hochelaga et Parc-extension. Le Montréal des piqueries. Le Montréal des bas-fonds. Vous ne chantez pas la face cachée de Montréal, celle que moi j’ai appris à découvrir et qui fait partie de la réalité de Montréal. Ma question : Avez-vous fait le choix de chanter ce qui va plus que ce qu’il ne va pas..?
4- Bonjour Mad’Moizèle, je m’appelle Éric, en parlant toujours de Montréal, la brutalité policière fait partie de Montréal. J’aimerais bien un jour entendre une chanson qui en parle. ‘’Enquête publique’’, ça serait un bon titre pour une chanson qui dénonce les abus de pouvoir de certaines polices de Montréal. En passant, je voudrais rendre hommage à un frère de Montréal-nord qui a été tué par la police de Montréal cet été. Il s’appelle Freddy Villanueva. Une enquête publique est supposée mettre la lumière sur les circonstances de sa mort. Mais les deux policiers qui ont causé la mort de Freddy ont déjà été blanchis. Donc, on aura une enquête de forme, une comédie, de la bulshit. Si la justice est incapable de condamner la brutalité policière, pourquoi une chanson ne pourrait pas le faire. Alors, je compte sur vous les artistes, sur votre parole et sur votre musique pour s’inspirer un peu de Bob Marley. ‘’Enquête publique’’, le reste viendra tout seul. Merci d’avance.
5- Bonjour Mad’Moizèle, je m’appelle Jean-Marc, au début de votre chanson ‘’Sub Su' a job’’ une phrase revient souvent ‘’J’veux pas m’en aller’’. Ça raconte l’histoire du gars qui ne veut pas s’en aller travailler parce qu’il est écœuré de sa job et surtout de son boss qui l’exploite à mort. Quand j’écoute cette chanson, je pense à ma situation et une question existentielle se pose à moi. Qu’est-ce qui est le mieux pour moi. Me faire exploiter par un boss véreux ou me faire enfermer dans une prison ? Un boss véreux, je peux le quitter quand je veux, mais une prison même en faisant les plus beaux rêves dans ma tête, je ne peux la quitte quand je veux. C’est pourquoi, de jour en jour, je me répète un seul refrain ‘’Je veux m’en aller’’. Je veux m’en aller travailler, m’en aller voyager, m’en aller de cette prison et ne jamais plus y retourner. Je veux m’en aller le plus loin de Bordeaux, m’en aller retrouver ma liberté. Dans un travail, dans un voyage ou dans le cœur d’une femme. Je veux m’en aller d’icitte et comme dirait Plume :
Si un jour, je reviens sur terre,
C'est pour y respirer
Un peu d'amour du bout des lèvres
Dans une coupe de rosée
J'humerai jusqu'à l'ivresse
Là où nul œil ne surveille
Si un jour, je reviens sur terre,
C'est pour te retrouver
Et vous Mad’Moizèle Giraf, vous êtes déjà sur terre, dîtes-moi une ou deux bonnes nouvelles que je n’entends jamais dans les nouvelles..?
6- Bonjour Mad’Moizèle, je m’appelle Biggy. Monsieur Biggy. Moi la chanson qui me plait le plus de votre album, vous ne l’avez pas encore écrite. Elle s’appelle Miroir. Et pour vous inspirez les paroles, je vous raconte l’histoire d’un miroir. Dans ma cellule se trouve le miroir le plus beau de Bordeaux, le plus propre et le plus clair. Bref c’est un miroir magique. Le matin quand je me réveille, je lance un coup d’œil sur le miroir et chaque fois, je me dis, ‘’Qu’il est beau ce bonhomme’’. D’ailleurs, je lui parle et je lui dis ‘’Toé, tu l’as l’affaire..’’. D’ailleurs, mes amis viennent souvent dans ma cellule pour jeter un coup d’œil sur mon miroir. Un jour, un gardien est venu fouiller ma cellule en mon absence. Quand il a vu le miroir, il s’est trouvé tellement beau qu’il a oublié pourquoi il était dans ma cellule. Il n’a rien fouillé du tout. Je le sais parce que c’est le gars que je vois dans le miroir chaque matin qui me l’a raconté. Il me raconte tout. Il ne me cache rien. D’ailleurs ce même gars, il m’a chargé de vous faire le message suivant : Il m’a dit de vous dire que si un jour vous manquez de miroir, regardez dans les yeux d’une montréalaise, d’une marseillaise ou d’une milanaise. Vous verrez que le seul qui fait le poids à leurs yeux, c’est Monsieur Biggy. Merci!
7- Bonjour Mad’Moizèle Giraf, je m’appelle Houdini, comme vous voyez, nous sommes plusieurs Souverains ici à porter la barbe. Évidemment, vous avez déjà remarqué que la plus belle c’est la mienne. Vous savez pourquoi..? Parce que j’en prends soin. À tous les cinq minutes, je regarde le miroir. Parfois à tous les deux minutes. Dès que je vois un miroir, je me presse pour regarder ma barbe. Toutes les femmes invitées de Souverains anonymes voudraient revenir et vous savez pourquoi ? Juste pour apprécier ma barbe.
8- Bonjour Mad’Moizèle Giraf, je m’appelle Marc-André. D’abord si vous permettez, pour une Mademoiselle, je vous trouve un peu trop poilue. Mais ce n’est pas ça qui me trouble le plus. Ce qui me choque, c’est votre étrange comportement envers les p’tits chats. À lire les paroles de votre chanson P’tit chat, je me dis, non ce n’est pas moi qui devrait occuper une cellule de prison. Sérieusement, je possède trois chats : Félix, … et …., Ces trois petites bêtes ont certainement été moins bêtes avec moi que certains êtres humains. Mais dîtes-moi pourquoi tant de méchanceté contre les chats..?
9- Bonjour Mad’Moizèle, je m’appelle François, dans votre album, il y’a beaucoup de mousse. Vous rendez hommage à toutes les mousses que l’alcool peut produire. Toute ma vie, je l’ai bu. De mousse en mousse, je suis devenu alcoolique grave. L’alcool a volé ma liberté. Maintenant je n’ai qu’une envie c’est de la retrouver et de m’en saouler. J’ai écris un petit poème sur le jour de ma libération :
Liberté
L’heure du réveil a sonné
Les portes vont bientôt s’ouvrir
C’est le temps de sortir
C’est le temps de partir.
Je vais partir jusqu’à Vancouver
Loin de Bordeaux et son enfer
Je pars à zéro, je redécolle,
Aux Olympiques de 2010, je m’envole
Dans cet évènement, il y a un peu de moi
Dans le village j’ai travaillé quelques mois
Au village Olympique, je ne buvais pas de bière
J’ai collé des briques et j’en suis fier
Il me reste 4 mois avant que je quitte
C’est rien si je compte vite
212 mois que j’ai déjà faits
Je suis un homme imparfait
Imparfait mais pas mauvais
Imparfait mais capable
Imparfait mais libre
Libre de vivre ma liberté
10- Bonjour Mad’Moizèle, je m’appelle Younes Abdellah, Dans votre album, vous rendez hommage à toutes sortes d’alcool. Au rhum, à l’absinthe et à tout alcool qui produit de la mousse. Moi l’alcool, il fait partie de mon ancienne vie. Parce que ma nouvelle religion me l’interdit. Ma nouvelle religion s’appelle l’islam. J’ai embrassé cette religion malgré toute la mauvaise presse et les mauvaises langues dont elle est victime. S’il fallait croire tout ce qui se dit sur l’islam, je serais partie sur une autre planète. Heureusement, j’ai pris le temps de lire moi-même le Coran pour y découvrir une religion de paix et d’amour. Une religion qui confirme le message de Jésus sur l’amour. Une religion qui met de l’ordre et de la discipline dans la vie des gens et moi, l’ordre et de la discipline j’en avais grandement besoin dans ma vie. Non, je ne mange plus le porc. Je ne bois plus d’alcool. De toute façon, avec ou sans religion, l’alcool a détruit la vie de millions de gens. Je ne vous demanderais pas d’embrasser l’islam, mais je suis content de savoir que Ian et Kattam, vous faîtes partie d’un groupe de musique à caractère spirituel musulman, le groupe Bambara Trans. En attendant de le recevoir à notre émission, j’aimerais entendre si possible un petit extrait de la chanson Khalouna. Merci!
11- Bonjour Mad’Moizèle Giraf, je m’appelle Marco. Quand j’écoute votre musique, j’entends l’influence des cultures noires sur nous. J’entends tout le bien que ça nous fait. Le Raggae, toutes les sortes de raggae font partie de nous, quelque soit notre couleur de peau. Bob Marley a attient le cœur de millions de blancs.. Je suis sûr que la musique rapproche les cultures. Quand j’entends Kattam jouer de l’africain par exemple, je me sens en Afrique. Il faut dire que je suis très sensible à la culture noire parce que j’ai un frère noir. Un frère dont je suis fier parce que malgré le fait d’avoir été maltraité par son beau père (c'est-à-dire mon père), il a réussi à s’en sortir. Moi j’ai beaucoup souffert de voir mon frère battu par mon père. Ça m’a traumatisé. J’en garde encore des séquelles. Je me demande parfois si mon père avait écouté plus de jazz, de raggae, de blues et de gospel, est-ce qu’il aurait été aussi dur avec mon frère noir. À Bordeaux, je me sens très proche de mes amis haïtiens, jamaïcains, africains.. Avec eux, ma fraternité est naturelle. Merci d’être là aujourd’hui, noirs et blancs dans le même système, derrière des murs café-crèmes…
12- Bonjour Mad’Moizèle, c’est encore Mohamed. Le sujet dont j’aimerais vous parler ne figure pas dans votre album. En préparant cette rencontre, il est sorti de plusieurs témoignages à quel point certains personnes en prison, ont été particulièrement maltraitées par leur propres parents. La plus part portent encore les traces de cette brutalité. Que ce soit physiquement ou moralement, la brutalité a laissé des traces indélébiles. C’est un sujet tabou. On en parle jamais dans les médias, mais beaucoup de personnes qui se trouvent en prison ont vécu des traumatismes graves dans leur enfance. D’ailleurs, la plus part ont été placés dans des familles d’accueil ou des centre d’accueil. Certains parents viennent de cultures où la punition physique est chose normale. Ne pas laisser tomber certaines pratiques prouve leur incapacité à s’intégrer dans leur société avec le résultat aujourd’hui de voir leurs enfants en prison. Lorsque vous maltraitez un enfant, il y a des chances qu’il accumule beaucoup de colère. Il devient une bombe à retardement. Une bombe qui finit par exploser. La prison devient la suite logique d’un tel parcours. Les parents ne sont pas responsables de tous ce que les enfants sont devenus. Mais ils ont une part de responsabilité. Malheureusement, ils ne la reconnaissent pas. Leur orgueil et leur ignorance leur interdit de reconnaître leur part de responsabilité. Il se pose alors la question du pardon. Comment se débarrasser de la haine si on ne pardonne pas. Comment avoir une relation saine avec ses enfants si on ne pardonne pas à ses parents..? C’est la question que nous nous posons souvent ici. Et pour vous, trouvez-vous que le pardon est un bon moyen pour accéder à la paix intérieure..?
13- Bonjour Mad’Moizèle Giraf, je m’appelle Francis, on a parlé de miroir tantôt. Bonjour, voici un petit texte de mon ami François qu’il a écrit devant le miroir de sa cellule..
Le Miroir..
Ceci est un miroir
Regarde bien, tu vas te voir
Qui es-tu pour juger les autres
Après tout le mal que tu as fais
Te crois-tu mieux qu’un autre
Non, tu n’es pas un chien,
Tu es un humain
Capable de pleurer et de rire
Aussi capable d’assumer sans fuir
Pense à ta mère et ton père
Tu crois que tu souffres sur terre.
Penses à ton frère, à ta sœur et surtout à tes enfants.
Eux ne souffrent-ils pas autant?
Tu crois que c’est long en prison,
Donc, tu en as du temps.
Alors prends en seulement 15 mn
À ta famille, Écris une petite lettre
Si tu ne sais pas écrire, prend le téléphone
Et si tu ne peux même pas téléphoner
Alors prends le temps ce soir de penser à eux.
À tout le mal que tu leur a fais
Et à tout le bien que tu pourrais leur faire dans l’avenir..
Demain quand tu te lèveras, regarde-toi bien dans le miroir
Et là, tu vas découvrir un autre homme.
Un homme nouveau
Mad’Moizèle Giraf, c'est ma dernière émission, vous êtes mon cadeau de départ. Dans deux jours, je dirai à Dieu à Bordeaux. Une de vous toune s’appelle Mustashe Incident. Je pense que je vais l’écouter le jour de ma libération. En l’écoutant je vais être accompagné d’un verre de mousse. Un verre que je vais boire à votre santé et à votre succès. Mais en attendant, je vous demande au nom de tous mes amis Souverains de passer de la parole à la musique. À vous de jouer et à moi de vous applaudir.
14- Mad’Moizèle Giraf, moi aussi vous avez été mon cadeau de départ. Dans une semaine, je serai dehors. Je m’attendais à fêter ce départ définitif en compagnie d’une vraie Demoiselle, mais votre musique est festive, elle nous a fait voyager. Je vous souhaiter le succès, le bonheur et la santé. Grand Merci encore une fois à Kattam. Merci à André votre bassiste. C’est la première fois que vous venez à notre émission, ce n’est pas la dernière. Au nom de tous mes camarades je vous déclare Ian et Philippe, André et Kattam, Souverains anonymes.