Je quitte ma cellule
Je traverse les couloirs
Je salue mes amis
Je leur dis " à plus tard "
Je n' quitte pas Bordeaux
ce n'est pas un drame
je m'évade dans les mots
et les yeux d'une femme
Ma vie est un roman
Ma vie est une chanson
Qui en est l'auteur
c'est toute la question
Des questions que je me pose
en vers et en proses
Je te salue femme belle et rebelle
Et je te plaide notre cause
Michaelle Jean
Bienvenue parmi les
Souverains anonymes
1- Bonjour Michaëlle Jean, je m'appelle Adams. Vous avez été représentante d’une Souveraine déclarée, moi aujourd’hui, je me fais représentant des Souverains anonymes. En 2005, pour la première fois dans l’histoire de ce pays, une femme noire a été nommée Gouverneure Générale du Canada, vous. Vous avez choisi d’aller là où d’autres Gouverneures avant vous ne sont jamais allés. Si tu te rappelles bien un jeune Souverain avait chanté une chanson pour toi je t’ai ai chanté une chanson, ça ressemblait à ceci : (Vidéo)
2- Témoignage d'Adams
3- Bonjour Madame Michaëlle Jean. Je m’appelle Gérard. Je vous dis d’entrée de jeu Madame, la vie est injuste! Plusieurs fois dans ma vie, j’ai été témoin de l’injustice de la vie, la dernière fois c’est quand Mohamed m’a informé que vous seriez la dernière invitée de Souverains anonymes, c’est à dire 19 jours après ma sortie. J’ai demandé à Mohamed s’il pouvait plaider ma cause auprès de la direction et prolonger mon séjour à Bordeaux de trois petites semaines, le temps de vous rencontrer en personne et avoir le plaisir de parler à la seule Gouverneure Générale du Canada, qui a osé rendre visite aux personnes incarcérées à deux reprises dans le cadre d’une émission radiophonique. C’est du jamais vu dans l’histoire et dans le monde. Ce geste-là à lui seul mérite d’être salué et noté dans le livre d’histoire. À ma petite requête, Mohamed a répondu NON, je vous dis, la vie est injuste. Heureusement, des micros et des caméras me permettent de m’adresser à vous quand-même.
Madame Michaëlle Jean, aujourd’hui, vous récidivez en tant que présidente de la Fondation Michaëlle Jean, mais surtout en tant que sœur. Avant tout et après tout, vous demeurez notre sœur dans l’humanité. Une sœur résolument engagée. Vous auriez pu vous contentez de vivre une retraite confortable loin du brouhaha médiatique et politique. Vous avez fait le choix de continuer la mission que vous aviez entamé en tant Gouverneure Générale, celle de soutenir la mobilisation des jeunes en faveur de l’inclusion et de la justice raciale par l’entremise de la créativité, de l’art et l’innovation. Comme vous voyez Madame Jean, je ne suis plus jeune, j’ai 81 ans, je suis médecin. Mais cela a été pour moi un bonheur immense de côtoyer des jeunes à Bordeaux. J’ai fait du temps qu’une seule fois dans ma vie. Faire du temps, une expérience que je ne souhaite à personne. Mais durant mes quelques mois d’incarcération, j’ai côtoyé ces jeunes. Sans ce passage en prison, je n’aurais pas été témoin de leur génie créateur. Mais apparemment, cet aspect de la prison, personne aujourd’hui, ne veut en entendre parler. Les Souverains n’ont jamais été aussi anonymes. Cela donne à votre visite aujourd’hui Madame Jean encore plus de sens. Je souhaite que vous et votre Fondation, vous allez continuer à promouvoir auprès des jeunes marginalisés le pouvoir de l’art et de la culture afin qu’ils deviennent Souverains de leur destin. Voici maintenant la question que fort probablement aucun journaliste ne vous posera: Depuis 25 ans, nous vivons dans un monde où règne le populisme, en politique et dans les médias. Vous avez été longtemps journaliste et en tant que Gouverneure Générale et Présidente de la Francophonie, vous avez été amenée directement ou indirectement à faire de la politique. De votre expérience, comment pensez-vous réussir la mission de votre Fondation dans un monde aussi désorienté ou les pauvres sont plus pauvres, les riches, beaucoup plus riches, un monde où les marginaux encore plus marginalisés et le racisme, Ah, le racisme, jamais aussi bien déguisé, pernicieux, redoutable ?
4- Bonjour Madame Michaëlle Jean, je m’appelle Mohamed Ali. Tout d’abord, je dois vous dire Madame, quand Mohamed nous a annoncé que vous seriez notre dernière invitée, j’ai tout de suite pensé à ma mère. Je sais qu’elle est en train de nous regarder et je sais aussi que grâce à cette rencontre ma mère va me pardonner toutes mes bêtises. Je l’avoue, j’ai fait quelques bêtises dans ma vie qui m’ont amené en prison. Mais ironiquement, cette rencontre avec vous aujourd’hui en prison, pour moi et pour mes amis Souverains, c’est tout sauf une bêtise. Cette rencontre me donne l’occasion de montrer le meilleur de moi-même à une personne que ma mère admire beaucoup. Pour ma mère vous êtes un exemple de courage, de compétence, de résistance. Aujourd’hui, dans le cadre de la Fondation qui porte votre nom, vous menez un combat contre les discriminations et le racisme. Mohamed nous a montré plusieurs extraits de vos passages à Souverains anonymes. Dans la toute première rencontre en 2002, vous avez dis à propos du racisme que ce n’est pas une question de couleur, mais de conditions. Je suis entièrement d’accord avec vous. Quel que soit la couleur de leur peaux, la majorité des détenus en prison proviennent des mêmes conditions sociales, des mêmes quartiers, des mêmes niveaux scolaires. D’ailleurs, quand je me retrouve dans un secteur de prison, je retrouve des amis d’enfance, des amis de quartier, ils sont noirs, ils sont blancs, ils sont de toutes les couleurs, mais personne ne fait attention à la couleur de l’autre parce que ce qui nous unis c’est notre appartenance à la même classe sociale. À force de fréquenter mes amis haïtiens, j’ai appris le créole, beaucoup de haïtiens se sont convertis à l’islam. Nous formons un bouillon de culture très riche et ça personne, ni les juges, ni la police, ni les gardiens ne peuvent nous enlever cette richesse, cette dignité. Nous sommes Souverains de notre dignité et aujourd’hui devant vous, cette phrase prend tout un sens. Donc, la question que j’ai pour vous, la lutte contre les discriminations que vous menez dans le cadre de votre Fondation, est-ce qu’elle est fondée sur la couleur ou sur les conditions sociales? MERCI.
5-
6- Rosefort
7- Adams, Mot de la fin. Chère Michaëlle, Mohamed m’a confié le privilège et la joie de t’accueillir à ta quatrième et dernière rencontre avec les Souverains. Il a choisi le Souverain que je suis, pour clôturer cette rencontre historique. Avant de te donner le mot de la fin, Mohamed part, mais le château de Bordeaux reste. Mohamed part, mais les Souverains restent. J’ignore comment la direction de Bordeaux va perpétuer l’esprit de Souverains anonymes, mais quand je regarde ces livres qui nous entourent, je me dis il y a peut-être espoir que ce local continue à servir les Souverains de Bordeaux. Ces livres sont une donation de Pénélope McQuade, héritage de sa mère France Rivard. Personnellement, j’aimerais remercier d’avance la directrice de Bordeaux, Madame Nathalie Bonenfant, pour la nouvelle vocation qu’elle saura donner à ce local. Chère Michaëlle, tu es la Présidente d’une Fondation qui porte ton nom. Je suis sûr et certains que d’autres détenus seraient plein de gratitude si tu continues à leur rendre visites. Ils seront comme nous, honorés de recevoir une Souveraine. Et juste avant de te donner le mot de la fin, c’est avec plaisir et honneur que je te déclare Souveraine anonyme!
ML/2025
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