4 nov. 2010 | Rencontres, Entrevues, Vidéos, Débats de Souverains, Audios, 2006 à 2010

Omar Khadr

« Vous n'aimez pas la vérité »

Omar Khadr - 1

Avec Patricio Henriquez, Luc Côté, Béatrice Vaugrante.

4 Novembre 2010

Omar Khadr - 2

Avec Patricio Henriquez, Luc Côté, Béatrice Vaugrante.

4 Novembre 2010

Le sourire d'Omar!

Je quittes ma cellule
Je traverses les couloirs
Je salues mes amis
Je leur dis " à plus tard "

Je n' quitte pas Bordeaux
Du moins pas encore
je m’évade dans les mots
et les yeux d'Omar

Ma vie est un roman
Ma vie est une chanson
Qui en est l'auteur
c'est toute la question

Des questions que je me pose
en vers et en proses
Je te salue belle et brave femme,
Et je te plaide notre cause

Béatrice Vaugrante
Patricio Henriquez et Luc Côté

Bienvenue parmi les
Souverains anonymes


01- Bonjour Béatrice, Patricio et Luc. Je m’appelle Ribad. Bienvenue au Souverains anonymes. C’est un plaisir particulier pour nous de vous recevoir à notre émission aujourd’hui. Nous avons regardé attentivement votre documentaire ‘’Vous n’aimez pas la vérité’’ réalisé à partir de l’interrogatoire qu’Omar Khadr a subit en 2003 par un agent de la SCRS et rendu public en 2008. Le Festival du nouveau cinéma a choisi votre documentaire pour le présenter en première mondiale à son ouverture cette année avec la collaboration d’Amnistie International, section francophone, dirigée par Madame Béatrice Veaugrante, ici présente parmi nous. Nous avons eu le privilège de regarder votre film avant son passage à la télé, cette salle était pleine. À la fin de la projection nous avons beaucoup applaudi. N’est-ce pas les gars..? Si vous permettez, en notre qualité de citoyens concernés et consternés par l’histoire d’Omar Khadr, nous allons présenter devant vous quelques témoignages et commentaires sur votre film et après, vous aurez la parole pour réagir à nos commentaires et à nos questions :

Personnellement, je crois qu’il faut être insensible et sans cœur pour regarder le documentaire ‘’Vous n’aimez pas la vérité’’ sans sentir une grande tristesse face au sort de cet homme. Voir et entendre Omar seul dans ce local en train de pleurer faisant appel à sa mère, je n’oublierai jamais cette scène. J’ai ressenti aussi une grande indignation face à l’injustice dont Omar est victime : Victime d’abord de son père qui l’a embrigadé et embarqué dans une guerre de grands alors qu’il était enfant de 9 ans. Victime de torture par l’armée américaine, alors qu’il était gravement blessé. Victime d’un procès, ni juste ni équitable. Victime d’un tribunal militaire non reconnu par la Cour suprême des États-Unis. Victime par le gouvernement Harper qui ne respecte pas les engagements du Canada en matière de protection des enfants soldats. Et finalement, victime d’une discrimination dans une certaine opinion publique canadienne qui semble accorder à Omar Khadr un statut de citoyenneté inferieur à celui que moi j’ai.

Comme Omar je suis arabe, comme lui je suis musulman, mais le point commun le plus important entre lui et moi, c’est le fait d’être citoyens canadiens, au même titre qu’un Tremblay ou un Bouchard. Que cela déplaise au gouvernement conservateur actuel, je suis citoyen canadien et je suis fier de l’être. Ma vie ne s’arrête à Bordeaux. Je continue à croire à la démocratie canadienne. Et la meilleure façon d’y croire c’est de voter. Je ne sais pas encore pour qui je vais voter dans les prochaines élections fédérales, mais je sais pour qui je ne vais pas voter. J’espère que votre film sera vu par le plus grand nombre de canadiens. Patricio Henriquez et Luc Côté, vous avez toute mon admiration.

2- Bonjour Béatrice, Patricio et Luc. Je m’appelle Claudel. Moi aussi je vous lève mon chapeau pour ce film dur à voir, mais qui demeure un film vraiment nécessaire. En fait, vous avez fais le travail que les journalistes n’ont pas fait. Vous êtes allé chercher des informations très pertinentes chez des témoins et des experts pour mettre plus de lumière sur cette affaire. Ce que je regrette, c’est que votre film n’est pas sorti quelques mois avant le procès d’Omar. J’aurais aimé que le jury, le juge, les avocats et même la femme du soldat mort, le regardent. J’ose croire que certaines informations dans ce film auraient pu orienter le procès en faveur d’Omar.

Je souhaite que votre film joue un rôle dans l’avenir, surtout pour sensibiliser l’opinion publique à la gravité de la décision de condamner un enfant-soldat à la prison. Je crois que le témoignage du tortionnaire dans votre film est capital. Quand il a dit ‘’Comment moi, enfant de chienne, j’ai eu plus de compassion pour Omar que son propre peuple..?’’, j’ai senti une honte. Une honte qu’un jour les canadiens ressentiront. J’espère que les canadiens ont compris qu’Omar Khadr a plaidé coupable en désespoir de cause. Pour sauver sa peau d’une sentence à vie. Si j’étais à sa place, est-ce j’aurais fais la même chose. Probablement que oui. Torturé, détenu depuis 8 ans dans des conditions inhumaines, séparé de ma famille, séparé du monde, qu’est-ce que je ne ferais pas pour échapper à l’enfer de Guantanamo..? Moi je dis que c’est par instinct de survie qu’il a plaidé coupable. Je voudrais ajouter aussi que regarder votre film, ça m’a fait prendre conscience à quel point il faut protéger nos enfants de nos erreurs. Moi j'ai un enfant, jamais je ne le laisserai payer pour mes erreurs ou mes aventures personnelles. Merci beaucoup.

3- Bonjour Béatrice, Bonjour Patricio et Luc. Je m’appelle Stony Star. Je pourrais dire beaucoup de chose sur votre film. Je vais m’arrêter à un détail. Chaque fois que l’agent de la SCRS rencontrait Omar, il lui offre le choix entre McDonald ou Subway. En fait, il essayait de l’acheter pour le faire parler et obtenir des renseignements. Moi si j’étais à sa place je lui aurais offert ce que je sais faire le mieux. Une chanson de raggae écrite spécialement pour Omar. (Chanson pour Omar).

4- Bonjour Béatrice, Bonjour Patricio et Luc. Je m’appelle Richard. Je vous avoue qu’en regardant votre film, en écoutant attentivement l’interrogatoire et tous les commentaires des témoins, je me suis rendu compte à quel point, je n’échangerai pas sa situation par la mienne. Je n’échangerai pas sa cellule par la mienne. À Bordeaux, ce n’est pas le paradis, mais ce n’est pas l’enfer de Guantanamo dans lequel Omar aura vécu 9 ans. Avec votre film, j’ai vu ce que c’est un prisonnier de guerre, un prisonnier politique malgré lui. J’ai vu l’abus de pouvoir d’un système militaire sur un enfant. J’ai vu aussi comment on sous-estime l’intelligence d’un jeune canadien. J’ai vu que le pouvoir n’aime pas la vérité. J’ai vu la lâcheté en personne. Pour moi, Guantanamo, c’est une autre tache noire dans la démocratie américaine. En abandonnant lâchement un de ses citoyens dans cette prison militaire illégale, le Canada s’est rendu complice d’un crime grave. Vous répondrez plus tard à ma question : Comment le Canada pourrait se racheter pour corriger cette erreur historique..?

5- Bonjour Béatrice, Bonjour Patricio et Luc. Je m’appelle Réjean. Pour nous votre documentaire ‘’Vous n’aimez pas la vérité’’ est une grande leçon de droit. Nous avons discuté entre nous pendant deux jours pour finalement arriver à la même conclusion. Il n’y a rien dans l’histoire d’Omar qui correspond au respect des droits humains. Rien qui ressemble à la démocratie. Rien qui ressemble à la justice. Moi je suis en prison parce que j’ai contrevenu à la loi, j’ai été devant un juge, j’ai connu un procès juste et équitable et j’assume pleinement les conséquences de mes actes. Je sais que c’est la dernière fois que je mets les pieds en dedans. Mais pourquoi moi et pas lui. Qu’est-ce qu’il a de différent de moi. Il s’appelle Omar Khadr, je m’appelle Réjean Thérien. Si un jour j’ai un garçon, j’ai envie de l’appeler Omar. En attendant ce jour, je laisse mon ami Claudel vous dire un poème écrit par le Souverain Marc Lebrun:

À Omar

Péché par orgueil
Enfant de la guerre et des deuils
Abus de pouvoir pour atteindre la gloire..
Sommes-nous tous dans le noir ?
Devant l’opprimé qui n’a pour seule fortune que sa gueule
Quand il l’ouvre, on lui dit ‘’ferme ta gueule’’
Personne ne veut le croire
La vérité, c’est trop beau pour les connards
Le gardien de l’ordre est frustré,
Il n’aime pas trop la vérité..
Omar revendique ses droits dans une zone de non droit.
Attendant le jugement dernier, il prie, il croit.
C’est une drôle d’histoire, bientôt Hollywood en fera une star
Nous nous sommes fait avoir.
Maintenant, je vais me calmer avant que mes nerfs n’explosent
Je laisse ma colère s’exprimer en prose.
Omar, tu seras enfin de retour..
Bouc-émissaire d’une politique de vautours.
Il est temps de dénoncer
À ton retour, tout est à recommencer

Marc Lebrun.

6- Bonjour Béatrice, Bonjour Patricio et Luc. Je m’appelle Haatym, mes parents auraient pu m’appeler Omar puisque je suis un canadien musulman. Omar c’est aussi le nom du deuxième Kalife du prophète Mohammed. Le Kalife Omar Ben Al Khattab était connu pour avoir fondé les premières institutions musulmanes dont celle de la justice. On le surnommait Al Farouk, c'est-à-dire celui qui fait la distinction entre le bien et le mal, entre la justice et l’injustice, entre la vérité et le mensonge. Avant sa mort, il a nommé un conseil de sages, un genre de conseil législatif qui aurait pu donner naissance à un système démocratique si les autres Kalifats après lui avaient poursuivi son exemple. Mais Omar est resté dans l’imaginaire des musulmans un model de justice. Je ne vois aucune justice dans la sentence donnée à Omar, 40 ans ou 8 ans, ça demeure une injustice. En laissant Omar entre les mains d’un tribunal militaire américain, Harpen a agi comme si le Canada était un État américain. Comme si le Canada n’était pas un État indépendant avec ses propres lois et ses propres engagements internationaux. Stephen Harper a beaucoup à apprendre du Kalifat Omar Ben Alkhattab. En regardant votre film et en suivant l’histoire d’Omar Khadr, je me suis posé la question suivante : Est-ce qu’un canadien musulman est aussi canadien qu’un canadien juif ou un canadien chrétien..? La réponse devrait être oui. Il existe au Canada des millions de musulmans qui vivent comme d’honnêtes citoyens. Mais quel message on envoie aux musulmans du Canada en condamnant Omar Khadr suite à un procès aussi injuste et aussi inéquitable..? Je compte sur vous pour me répondre.

7- Bonjour Béatrice, Patricio et Luc. Je m’appelle Daniel. D’abord, je dois vous dire que je n’ai aucune sympathie pour le père d’Omar Khadr. Que sa cause soit bonne ou mauvaise, il n’avait pas à embarquer ses enfants dans une guerre. Si moi mon père m’avait embarqué dans une guerre alors que je n’ai que 9 ans, je ne lui pardonnerai jamais. Ceci dit, j’ai beaucoup d’empathie pour Omar. En regardant dans votre film comment il a été traité par l’armée américaine et par l’agent de SCRS, en tant que canadien, je ne me suis pas reconnu dans cette justice barbare. Le Canada est reconnu dans le monde pour être un pays de droit, de paix et de justice. Je suis content de savoir que, malgré la position du gouvernement Harper sur ce dossier, la cour suprême du Canada a reconnu qu’on a violé les droits d’Omar lors de cet interrogatoire. Je suis content de ne pas être jugé par la justice américaine. Je suis content de purger ma sentence à Bordeaux et non pas à Guantanamo ou à n’importe quelle prison américaine. De toute façon, c’est mon dernier passage en prison. La justice n’est pas parfaite, mais à Guantanamo, la justice est injuste et votre film le démontre très bien. Voir ce film pour nous ça a été une bonne occasion de discuter entre nous sur des valeurs qui nous concernent profondément, comme la justice, la démocratie, l’identité et la citoyenneté. Alors, merci de l’avoir réalisé.

8- Bonjour Béatrice, Patricio et Luc. Je m’appelle Marc. Après avoir vu votre film, j’ai écris cette lettre à Omar Khadr que voici : Omar mon frère, tu es le triste héros d’un film que j’ai vu avec beaucoup de peine, beaucoup de haine. Haine de la guerre. Haine de l’injustice. Haine de l’armée américaine. Et cette torture dont tu as été victime alors que tu étais enfant. Comment la justifier..? Quelle justice jugera tes tortionnaires..? Quelle justice jugera tes juges..? Pourquoi cet acharnement sur toi..? Parce que tu es musulman..? Parce tu t’appelles Omar..? Parce que tu es arabe..? Parce que tu as la mal chance d’être le fils d’un père irresponsable..? Ou parce que tu étais au mauvais endroit, au mauvais moment..? Tous ces politiciens qui ont joué avec ta vie, je les accuse de crime grave. Je les accuse d’être des grands parleurs, petits faiseurs. Où sont passés tous ces artistes canadiens et américains, riches et célèbres, ces défenseurs des droits de l’homme..? Grand parleurs, petits faiseurs. Où est passé celui qui avait promis de fermer Guantanamo. Grand parleur, petit faiseur. Et Harper qui ose aller donner des leçons des droits de l’homme à l’Ukraine. Grand parleur, petit faiseur. Ceux et celles qui ont ton sort entre les mains, comment peuvent-ils dormir la nuit, la conscience tranquille, alors qu’ils ont volé ton adolescence pour des raisons bassement politiques et économiques. Ne nous sommes pas des cons, nous savons pourquoi ils font la guerre en Afghanistan. Nous savons pourquoi ils ont envahi l’Irak. Mon frère Omar. Je m’appelle Marc, je suis africain. Autrefois, j’étais chrétien. Mais après le 11 septembre 2001, j’ai entendu tellement de mal sur l’islam que je me suis intéressé à cette religion de laquelle on a essayé de m’éloigner. J’ai retrouvé dans cette religion une paix dont j’avais besoin. Aujourd’hui, je suis musulman. Un musulman canadien. Les conservateurs passeront, mais le Canada reste. Le Canada retrouvera j’espère sa vocation de paix, de justice et de respect des droits de l’homme. Un Canada ou musulmans, juifs et chrétiens peuvent continuer à vivre comme citoyens à part entière. Quand aux responsables de ton malheur Omar, ils seront jugés un jour ou l’autre. L’histoire les jugera. Dieu les jugera. Ton courage et ta patience m’inspirent. Tu es désormais un Souverain. Tu es un des nôtre.

Et vous mes chers réalisateurs, Luc Côté et Patricio Henriquez, vous avez fais un film courageux et intelligent. Même si votre film n’a pas été présenté comme preuve dans le procès d’Omar, ce film est maintenant un fait accompli. J’espère Inchallah qu’il sera produit comme élément de preuve quand il sera temps de réviser le procès d’Omar. Merci de l’avoir fait.

9- Bonjour Béatrice, Patricio et Luc. Je m’appelle Youssef. Nous avons regardé votre film dans la même semaine ou 400 mille documents secrets sur la torture en Irak ont été publiés sur Internet. Alors je me suis demandé quel tribunal militaire allait juger tous les soldats américains qui ont participé ou fermé les yeux sur ces tortures en Irak..? Évidement, poser la question c’est y répondre. La vie d’un arabe irakien vaut moins cher que celle d’un américain. Je ne vous donnerai pas de chiffre sur le nombre de morts et des blessés civils depuis la première guerre du golf. Il y en a tellement que ça commence à ressembler à un génocide. Dans votre documentaire, un ex-tortionnaire américain appelé le monstre, reconnaît avoir un problème de conscience. Il dit qu’un jour il va payer pour le mal qu’il a fait. Il se qualifie lui-même d’enfant de chienne. Cet homme, n’est pas entre les mains de la justice américaine pour la simple raison qu’il était payé pour torturer les prisonniers. Ce tortionnaire dit qu’il n’a jamais osé torturer Omar à cause de son âge. Mais apparemment, il n’a pas empêché les autres tortionnaires de le faire. Je vous avoue qu’il est très difficile de garder confiance dans la démocratie des pays occidentaux. Et pourtant, mes parents ont quitté le Maroc pour vivre dans un pays dit démocratique. Un pays qui interdit la torture. J’espère que les canadiens vont manifester leur indignation. L’histoire d’Omar, c’est aussi leur histoire. C’est notre histoire.. MERCI!

10- Bonjour Béatrice, Patricio et Luc. Je m’appelle Sofian. Moi ce dont j’ai peur, c’est que l’affaire d’Omar Khadr affecte la confiance des gens dans la justice. J’ai peur qu’ils confondent justice illégale et justice juste légale. Omar a été condamné à 40 ans, même s’il ne passera que 8, plus les huit ans déjà purgées, c’est un chiffre qui frappe et je doute que cette sentence fasse peur aux terroristes. J’espère que cette sentence ne donnera pas à certains fanatiques des envies de vengeance. J’espère que cette guerre finira par un accord de paix. J’espère que la Palestine sera libre le plus tôt possible. Que l’Afghanistan retrouvera la paix. Sinon, cette guerre continuera à faire des victimes aussi innocentes qu’Omar. Pour l’instant, nous sommes piégés par les intégristes juifs, musulmans et chrétiens. Pour moi Bush et Ben Laden, ce sont deux faces de la même médaille. Et nous avons maintenant la preuve que Harper marche sur les traces de Bush. En tout cas Mille fois MERCI pour ce film courageux.

11- Bonjour Béatrice, Patricio et Luc. Je m’appelle Salif, je suis musulman canadien, d’origine du Sénégal. Quand j’ai vu votre film, j’ai eu beaucoup de peine pour Omar. Ça m’a rappelé des injustices que j’ai déjà vu dans mon pays d’origine. Dans l’affaire d’Omar Khadr, le Canada s’est comporté comme certains pays de tiers monde. Des pays mené par des dictateurs. Mais il faut reconnaître que si Stephen Harper agit comme un dictateur dans cette affaire, c’est parce que les canadiens l’ont laissé faire. Ils l’ont même réélu une deuxième fois. Je sais que certains organismes comme Amnistie International militent beaucoup pour rendre justice à Omar. Apparemment, ça ne suffit pas. Est-ce que je me trompe Madame Vaugrante..? J’attends votre réponse.

12- Bonjour Béatrice, Patricio et Luc. Il y a deux ans. Le 10 décembre 2008, on a célébré le 60 me anniversaire de la Déclaration des droits de l’Homme. Alors, un des Souverains anonymes a décidé de rendre hommage à cette Déclaration à sa manière en adressant une lettre à Omar Khadr. Si vous permettez, j’aimerais lire devant vous cette lettre que notre ami Rollo a adressée à Omar. Voici donc Lettre à Omar Khadr.

Cher Omar, À l’occasion du 60 me anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, j’aurais pu écrire à un prisonnier politique pour dénoncer un de ces régimes sanguinaires qui tuent toute liberté d’opinion. Un de ces régimes où des opposants politiques sont arrêtés, torturés et souvent condamnés à la prison à vie. J’ai préféré plutôt m’adresser à toi. Parce que pour moi, tu es devenu malgré toi un prisonnier politique. Ton crime c’est d’être un canadien mais qui ne porte pas un nom comme Tremblay, Bouchard, Mulroney ou Trudeau. Ton crime, c’est aussi d’être le fils d’un père qui t’as enrôlé dans une guerre d’adultes alors que tu n’avais que 9 ans. Tu avais 15 ans lorsque les américains t’avaient arrêté. Selon certaines conventions internationales sur l’enfant soldat dont le Canada est signataire, on devrait te protéger au lieu de t’emprisonner. Il paraît que tu as même fait l’objet de torture à Baghram et à Guantanamo. Quand je pense que malgré toutes ces informations, le Premier Ministre canadien n’a pas bougé le petit doigt pour t’apporter assistance. Je pense à tous ces immigrants du Canada qui ont quitté leur pays d’origine pour venir s’installer au Canada pour se sentir mieux respecté dans leur droit. Je pense à ma propre mère qui a fui la misère d’Haïti pour offrir à moi et ma sœur un avenir meilleur. Ton père est mort, moi c’est ma mère qui est morte. Ils doivent nous regarder de là haut, toi à Guantanamo, moi à Bordeaux. Regrettent-ils d’avoir décidé un jour de faire immigrer leurs familles au Canada..? J’espère que non. Parce que j’ai espoir que très bientôt tu rentreras chez-toi et tu retrouveras ta mère. Je sais qu’elle te manque beaucoup. J’ai aussi espoir que la Justice canadienne te blanchira de toutes les accusations. Peut-être même que tu seras indemnisé. Mais quelques soit le montant de l’indemnisation auquel tu auras droit, ça ne te redonnera jamais ton enfance.

Mon cher Omar. C’est à partir de ma cellule de la prison de Bordeaux à Montréal que j’ai pris le temps de t’écrire ces quelques lignes pour te dire que je ne t’oublie pas. Que nous sommes des milliers de canadiens à penser à toi. Que plusieurs manifestations et pétitions ont été organisées pour exiger du Gouvernement canadien de te rapatrier chez-toi au Canada. Depuis la publication des images de l’interrogatoire que tu as subi à Guantanamo par un agent de renseignements canadiens, tout le monde a parlé de toi. Tout le monde trouve inacceptable que tu sois le seul détenu ressortissant d’un pays occidental qui n’est pas encore rapatrié chez-lui. Si le Premier Ministre canadien t’oublie, le Canada ne t’oublie pas. D’ailleurs, chaque article de la Déclaration des Droits de l’homme te protège. En passant, un des rédacteurs de cette Déclaration est un canadien. Il s’appelle John Humphrey. 60 ans auparavant, cet homme a pensé à toi quand il a écrit le premier article de la Déclaration ‘’Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité’’. Apparemment Monsieur Stephen Harper, Premier Ministre du Canada ne comprend pas le sens du mot fraternité. J’ose espérer que tous les canadiens ne sont pas comme lui. Cher Omar, à ta sortie de Guantanamo, je me promets de faire un clin d’œil au ciel. Quand à moi, je ne suis que de passage à Bordeaux. Ça sera mon dernier passage, j’ai une fille à nourrir et à aimer. Je ne me plains pas puisque je connais ma date de sortie. Patience mon frère. Ton ami Rollo.

En passant, depuis 2 ans, Rollo est un homme libre. Il s’occupe de sa fille. On lui souhaite bonne continuation. 

13- Béatrice Vaugrante, Patricio Henriquez et Luc Côté. Quand les images de l’interrogatoire d’Omar Khadr ont été publiés sur Internet en 2008, j’avais cru naïvement que le calvaire d’Omar était terminé, que l’opinion publique allait se mobiliser pour réclamer le rapatriement de Khadr. En regardant votre film, j’ai compris qu’il manquait à ces images des explications. Une mise en contexte. Des témoignages importants pour expliquer le parcours d’Omar et surtout pour rappeler, images à l’appui, l’enfer par lequel Omar est passé. Ce garçon est un miraculé d’une bataille meurtrière. Un survivant de la torture. Une autre personne n’aurait pas survécu à tout ça. Je crois personnellement qu’il n’a pas fini de nous étonner. Inchallah, il sera un citoyen canadien exemplaire pour démentir tous les préjugés. Il aura besoin de temps, de patience et de courage. Je continue à croire que justice lui sera rendu. Je fais confiance à des gens comme vous, comme Amnistie International, comme avocats sans frontières pour le soutenir et défendre ses droits. En tout cas, nous les Souverains anonymes, nous lui donnons tout notre soutien. Je lui souhaite tout le bonheur du monde. Avoir des enfants, une famille, un travail. Merci de nous avoir fait mieux connaître Omar Khadr par votre documentaire. Je répète, un documentaire qui mérite d’être vu par tous les canadiens. (Sinon mettez-le sur Youtube). Au nom de tous mes camarades, je vous déclare Béatrice Vaugrante, Patricio Henriquez et Luc Côté, Souverains anonymes.

ML/2010

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