22 janv. 1998 | Vidéos, Audios, Rencontres, 1996 à 2000

Monique Proulx

"Si tu n’a pas peur de perdre ton mouchoir, tu partageras avec nous le fruit du hasard"

Monique Proulx 1

Écrivaine.

22 Janvier 1998

Monique Proulx 2

Écrivaine

22 Janvier 1998

Extrait de la rencontre.
Version complète ci-haut.

Jeudi le 22 janvier 1998


« Monique, je vais te dire où tu te trouves:

Tu es dans le quartier invisible de Montréal

Tu es au coeur du temple du temps.

Un quartier que personne ne veut explorer de peur de s’y perdre.

Ce quartier est habité par ceux qui n’ont plus rien à perdre.

Dans notre quartier le soleil transforme le rose en noir.

La lune se cache de chagrin et d’espoir.

Les étoiles se racontent des histoires.

Cela n’a rien d’un cauchemar.

Cela est un voyage au bout du noir.

Si tu n’a pas peur de perdre ton mouchoir,

tu partageras avec nous le fruit du hasard.. »

Monique Proulx

Bienvenue parmi les

Souverains anonymes

1- Salut Monique, je m’appelle ..............................

Les Souverains de Bordeaux sont heureux de te voir dans leur quartier. Aucun de nous ne te connaissaient. Mais Mohamed nous a parlé beaucoup de toi. Nous savons que tu es écrivaine et scénariste de plusieurs films québécois. Mohamed nous a lu aussi une dizaine de nouvelles de ton livre Les Aurores Montréales. Il y a dans ce livre quelque chose qui nous touche particulièrement comme montréalais. Mais avant d’aborder notre rapport avec Montréal parle nous de toi, de ton enfance à Québec et ce qui t’a particulièrement attiré à cette ville à multiple visages: Montréal.. !?!

2- Salut Monique je m’appelle............................

Moi aussi j’aurais aimé devenir écrivain. Je ne le suis pas encore. Quel événement en particulier a allumé la flamme de l’écriture en toi..?

3- Salut Monique, je m’appelle .................................

Ton métier c’est de fabriquer des histoires. Écrire une histoire pour roman et l’écrire pour un film, laquelle des deux écritures te passionne le plus..?

4- Salut Monique, je m’appelle.......................

Dans ton livre « Les Aurores Montréales », il y a des personnages tellement bien décrit qu’on croirait que les a connu en personnes avant d’en faire des personnages. En tant qu’écrivaine, est-il nécessaire de vivre ce que tu écris pour que ce soit crédible aux yeux des lecteurs.. ?!?

5- Salut Monique, je m’appelle................................

J’ai particulièrement apprécié ta lettre intitulée « Jaune et blanc ». Je ne sais pas si c’est une chinoise de Montréal qui t’a inspirée cette lettre, mais je sais que ta lettre est Dédiée à une écrivaine Montréalaise d’origine chinoise qui s’appelle Ying Chen. Parle nous d’elle, et dis-nous si c’est possible de l’inviter à notre émission..?!?

6- Salut Monique, je m’appelle ..........................

Dans ton livre « Les Aurores Montréales » il y a des nouvelles et des lettres. J’ai écouté avec beaucoup d’attention et d’intérêt la lettre dédié à Marco Micone intitulé « Rose et blanc ». C’est l’histoire d’une étudiante amoureuse de son professore italien. Je ne sais pas si c’est la lettre la plus érotique de ton livre, en tout cas moi, cette lettre m’a donné envie de connaître cette amoureuse. C’est dommage que les personnages de roman non pas de No de téléphone. Mais si cette fille existe vraiment veux-tu Monique lui dire de ma part qu’il y a un Souverain anonyme qui est fou amoureux d’elle et que je pense à elle tout le temps et que je l’embrasse partout. Dis-lui que pour elle, je deviendrai italien.. Et pour finir, explique-moi Monique, pourquoi une québécoise de parents italien devrait nécessairement tombée amoureuse d’un italien et non pas d’un haïtien, d’un vietnamien ou d’un mongol..!?!

7- Salut Monique, je m’appelle .......................................

Comme tu dois savoir Monique, il y a encore beaucoup de montréalais qui ne

connaissent pas très bien Montréal. Les naufragés de l’île Notre Dame par exemple. Ceux qui préfèrent la visite du Casino à celle du musée des Beaux Arts. Ceux qui préfèrent s’évader à travers une machine à sous qu’à travers une peinture de Picasso. Le Casino de Montréal, c’est la poubelle des rêves gaspillés.. Des solitudes sans espoirs. Dis-moi Monique, si le casino est légal à Montréal, pourquoi pas la drogue aussi, la prostitution aussi, ?!?

8- Salut Monique, je m’appelle ....................................

Ste-Catherine coin St-Laurent, c’était la seule rue du bonheur à Montréal. Aujourd’hui, on ne compte plus les rues du bonheur. Depuis que le crac a fait son entrée dans la Métropole, le bonheur s’est répandu dans les rues des quartiers les plus pauvres. À coup de crac et de prostitution, les Pie IX, Sherbrooke est, Plamondon, Van Horne, Victoria. Toutes des rues où le bonheur prend sans donner. Je parle d’expérience. Je pourrais écrire un livre que j’appellerais « Montréal craque sous le bonheur ». Dans ta nouvelle « L’enfance de l’art », c’est une fille de douze ans qui joue au bonheur en se faisant des petits 20$. À ton avis Monique, entre la fille de douze ans qui offre son corps et les hommes qui acceptent d’exploiter l’innocence.. Lequel est le plus grave..?

9- Salut Michel, je m’appelle......................

À l’âge de 19 ans j’ai quitté Port-au-Prince pour arriver à Montréal. C’était juste après le départ de Bébé Doc. Lui, il s’est installé sur la côte d’azur en France. Moi, je me suis installé au coeur de Brooklyn de Montréal (à St-Léonard).

Lui, il ne sort jamais de sa villa les mardis après-midi, parce que c’est le jour de la collecte des ordures. Moi, de Brooklyn j’en garde des bons souvenirs, mais je ne voudrais pas que mes enfants vivent là parce que la vie à Brooklyn c’est la vie de ghetto et on sait ce que ce genre de vie peut faire à quelqu’un. Ce n’est pas pour rien que beaucoup de jeunes haïtiens se trouvent à Bordeaux. Monique Proulx, tu as écris un très beau livre inspiré de Montréal, de ces rues, ces quartiers, sa montagne, ses cultures multiples. Monique, Puisque tu aimes tant Montréal, quelque chose me dit que Montréal n’a pas fini de t’inspirer. « Histoire d’amour et de crime dans un ghetto de Montréal », c’est un beau titre de roman. Est-ce que ça peut être le titre d’un roman policier que tu écrirais un jour..?!?

10- Salut Monique, je m’appelle.........................

(Histoires meurtres et mystères de Montréal)

11- Salut Michel, je m’appelle.................................

Il y a un proverbe qui dit « À Rome, tu vis comme les romains ». Moi au Québec, j’essaie de vivre comme les québécois. Montréal permet à certains immigrants une intégration en douceur à la culture québécoise. Mais Montréal peut aussi ralentir intégration d’autres immigrants plus anglophiles. D’après Gaston Miron Montréal serait la ville du désordre universel. À mon avis, si Montréal continue à recevoir plus d’immigrants que le reste du Québec, c’est la Gaspésie qui va demander son indépendance du Québec..?!?

12- Salut Monique, je m’appelle Yvon Georges.

Ta lettre intitulée « Noir et blanc » Dédié à Dany Laferrière m’a particulièrement touché. Dans cette lettre adressée à Malcom X, j’ai retrouvé une réflexion sur le racisme que je partage aujourd’hui. Mais mon rapport avec le racisme est une histoire que j’aimerais te raconter:

13- Salut Monique, je m’appelle .........................

J’ai 33 ans, j’ai quitté le Cap haïtien à l’âge de 11 ans. J’ai vécu quelques années au coeur du quartier Parc-Extention à Montréal avant de passer au Centre de Détention. Je ne compte plus mes passages à la prison de Bordeaux. Mais quand je suis à Bordeaux, c’est pour m’évader de Parc-Extention. Dois-je rappeler que c’est le quartier le plus misérable de Montréal. Je ne te raconterai pas Monique toutes mes galères.. Et quand je ne suis pas à Bordeaux, je m’évade au Centre-ville, la partie de Montréal que je préfère. C’est là que ça se passe: Les bars, les clochards, la place des arts et les jeux du hasard. Et toi Monique quelle partie de Montréal tu préfères et pourquoi...?!?

14- Salut Monique, je m’appelle ..................

J’ai un chien qui connaît mieux Montréal que moi-même. À l’exemple de leurs chiens, les montréalais devraient mieux connaître leur territoire. Alors ils découvriraient plus que des belles fontaines. Il y a le vieux port et ses containers qui transportent des aventuriers voyageurs. La Place du Portugal et son prince anonyme Léonard Cohen. Parc Extention et ses matières blanches. Brooklyn et son guétho. Le Petit Paris et ses petites tour Effele sur la rue Duluth. La Petite Italie et ses odeurs de café qui cachent d’autres odeurs.. C’est vrai que Montréal à une âme. Une âme de chien.. Est-ce que je me trompe Monique..?!?

15- Salut Monique, je m’appelle Jonathan Lippens. Entre ma naissance et aujourd’hui, j’ai exploré plusieurs quartiers de Montréal: NDG, Montréal Nord, Parc extention, Villery et Longeuil. Actuellement, j’explore le quartier de Bordeaux. J’ai des problèmes avec ce quartier là. Depuis quelques mois que je cherche un taxi, j’en ai pas vu un encore. Je n’ai pas vu d’autobus ni de station de métro non plus. Je vois beaucoup d’avions dans le ciel, mais je n’ai pas trouvé l’aéroport. Mais le vrai problème Monique dans le quartier de Bordeaux, c’est que le temps n’a pas de passé ni d’avenir. Dans ce quartier, on ne peut même pas escalader un arbre pour voir l’autre côté du temps. A Bordeaux, il n‘y a pas d’arbre. Bordeaux est un quartier de briques. Parfois, j’ai l’impression que mon passé n’existe que dans ma tête. Heureusement, il existe des livres pour me rappeler que Montréal existe pour vrai. Que la rue Ste-Catherine existe. Mais les montréalais oublient que le cartier de Bordeaux existe pour vrai aussi. Pour leur rappeler Bordeaux, nous les Souverains anonymes, nous avons produit un album de chanson intitulé « Libre à vous ». Monique Proulx, en attendant que notre album se vende par million, je vais t’interpréter une chanson de l’album écrite par Christian Mistral, composée par Michel Rivard « Y’a pas de poésie en prison »....(Applaudissement)

16- Monique Proulx, si un jour tu veux écrire un roman ou un scénario de film inspiré du milieu carcéral, tu sais à qui t’adresser. En attendant ce jour, nous garderons de ton passage parmi nous le souvenir d’une femme dont l’imagination est plus grande qu’une ville. Au nom de tous mes camarades, je te déclare Souveraine anonymes.. (applaudissement).

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